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«Nous devons trouver des solutions, et nous le ferons»

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La Suisse ne doit pas se laisser mettre sous pression par Bruxelles et elle doit conserver la plus grande liberté d’action possible: c’est la devise du président de la Confédération, Ueli Maurer. Il s’en explique dans une interview accordée à swissinfo.ch.

Le conseiller fédéral préfère le pain et la bière au champagne et au caviar, les fêtes champêtres aux cérémonies officielles et il se maintient en forme en pratiquant le ski de fond et le vélo, «pas en faisant des courbettes».

A 62 ans, ce fils de paysan, qui a été longtemps secrétaire d’une union paysanne, puis président d’un parti, l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), devenu le premier du pays, a été élu au gouvernement suisse en 2009. En 2013, suivant le tournus officiel, il présidera la Confédération pour une année.

L’agenda du ministre des affaires militaires et du sport s’alourdira encore de tâches de représentations, en Suisse et à l’étranger. 

Père de six enfants, Ueli Maurer est né en 1950 dans le canton de Zurich.
 
Il est le chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) depuis le 1er janvier 2009.

Le 5 décembre 2012, Ueli Maurer a été élu président de la Confédération pour l’année 2013, par 148 voix sur 202 voix valables.  

Il a été directeur de l’Union zurichoise des paysans de 1994 à 2008.

De 1983 à 1991, il a été député cantonal UDC (Union démocratique du centre / droite conservatrice) au Grand conseil zurichois.  

Ueli Maurer a présidé l’UDC suisse de 1996 à 2008. Durant cette période, le parti a créé 12 nouvelles sections cantonales et 600 sections locales, devenant ainsi le premier parti du pays.  

swissinfo.ch: Vous vous êtes mis d’accord avec le ministre des Affaires étrangères, Didier Burkhalter, afin de vous partager les voyages à l’étranger. Quels seront les critères pour décider qui effectue quel voyage?

Ueli Maurer: Je prends au sérieux toutes les obligations importantes pour la Suisse. En revanche, je laisserai les voyages susceptibles d’être plus efficaces s’ils sont assumés par le conseiller fédéral Burkhalter ou par un autre membre du gouvernement. Il ne s’agit pas de ma personne, mais des intérêts de la Suisse, qui doivent être représentés par celle ou celui qui a le plus de poids ou la meilleure position, selon les cas.

Je pense en outre que le partage permet d’assurer davantage de continuité. Le manque de continuité, c’est un des reproches que l’on nous fait régulièrement à l’étranger.

swissinfo.ch: Sur le plan intérieur, vous dites vouloir améliorer la cohésion nationale. Concrètement, que comptez-vous entreprendre?

U.M.: Même en ayant les intérêts les plus divers, nous sommes tous citoyens de la même Suisse. Nous devons renforcer ce que nous avons en commun, et nous avons plus de choses en commun que de choses qui nous séparent. Trop souvent, on souligne nos différences. On pourrait aussi relever les éléments qui nous relient.  


En tant que président de la Confédération, j’ai la possibilité de relever nos points communs. Les Jeux olympiques d’hiver seraient ainsi un projet suisse qui pourrait réunir les citoyens autour d’une idée, indépendamment des intérêts, des régions linguistiques ou des partis.

Mais il faut rester réaliste. En une année de présidence, on ne change pas grand-chose, ni en Suisse, ni dans le monde. J’ai moi-même très peu de marge de manœuvre: mon agenda est déjà presque complètement plein.

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Le bureau du président

Ce contenu a été publié sur Thomas Kern, photographe de swissinfo.ch, a pu pénétrer dans l’antre du nouveau président de la Confédération. Lorsqu’il se consacre à ses tâches quotidiennes, Ueli Maurer garde toujours un œil sur ces objets symbolisant la Suisse rurale et alpestre.

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swissinfo.ch: C’est vous qui dirigerez les séances du gouvernement. Quelle est votre philosophie à ce propos?

U.M.: Un gouvernement collégial doit prendre suffisamment de temps pour discuter des dossiers réclamant des décisions politiquement délicates. Il faut respecter les différentes personnalités et sensibilités. Il faut donc avoir un sixième sens pour comprendre les champs de tension entre collègues. Conduire le gouvernement vers des décisions les plus consensuelles possibles dans des situations délicates est un art. En fin de compte, l’ensemble du collège doit ensuite assumer les décisions prises sur la base d’un compromis. C’est cela qui fait la différence avec un style de conduite qui procède seulement par votes et où tout est décidé en quelques minutes.  

swissinfo.ch: Récemment, lors d’un discours, vous avez, au moins entre les lignes, remis en question les accords bilatéraux avec l’Union européenne. Comment voyez-vous la suite de nos relations avec l’UE?

U.M.: La voie bilatérale est la seule possible. Nous devons prendre le temps et ne devons pas nous laisser mettre sous pression. Plus les liens avec l’UE sont étroits, plus il nous faut analyser les accords avec soin. A mon avis, aucun dossier n’est si urgent que nous devions prendre des décisions hâtives. Conserver la plus grande liberté d’action possible: c’est, à mes yeux, la devise la plus importante.

Je ne crois pas diverger fondamentalement avec mes collègues du Conseil fédéral, car personne ne veut adhérer à l’Union européenne. Tous veulent de bons accords pour la Suisse. J’ai peut-être un avis un peu plus tranché. Mais il n’y a pas de différence fondamentale par rapport à la position du Conseil fédéral et à la majorité politique du pays.  

swissinfo.ch: L’économie d’exportation a un intérêt vital dans le marché intérieur européen. Avec son initiative sur l’immigration, votre parti remet en question la libre circulation des personnes. Ne craignez-vous pas des sanctions et de possibles conséquences économiques?

U.M.: Non. En économie, le meilleur gagne. L’Union européenne a autant d’intérêts dans la Suisse que l’inverse. Imaginez-vous – c’est une pure théorie – que l’UE restreigne l’accès au marché et que nous, en réaction, décidions des restrictions dans le dossier des transports. Cela n’est pas possible. Ce ne sont que des jeux purement hypothétiques. Nous sommes étroitement liés et devons toujours trouver des solutions ensemble. Et c’est ce que nous ferons.

2013 Ueli Maurer (UDC)
 
2012 Eveline Widmer-Schlumpf (BDP)
 
2011 Micheline Calmy-Rey (PS)
 
2010 Doris Leuthard (PDC)
 
2009 Hans-Rudolf Merz (PLR)
 
2008 Pascal Couchepin (PLR)
 
2007 Micheline Calmy-Rey (PS)
 
2006 Moritz Leuenberger (PS)
 
2005 Samuel Schmid (UDC)
 
2004 Joseph Deiss (PDC)
 
2003 Pascal Couchepin (PLR)
 
2002 Kaspar Villiger (PLR)
 
2001 Moritz Leuenberger (PS)
 
2000 Adolf Ogi (UDC)
 
1999 Ruth Dreifuss (PS)

swissinfo.ch: Vous n’êtes toutefois pas libre d’organiser l’armée et la politique de sécurité comme vous l’entendez. Souhaiteriez-vous une autre armée?

U.M.: Dans notre système de milice, l’armée est un élément de la politique de sécurité. Elle fonctionne si elle est soutenue par la population. Le système de milice exige que nous reconnaissions tous la valeur de l’armée et celle de la politique de sécurité.

Les ressources de l’armée sont limitées et nous devons nous battre à nouveau davantage dans l’opinion publique pour sa réputation. Aussi longtemps qu’il sera bien vu d’être contre l’armée en public, nous ne serons pas encore la meilleure armée du monde.

Quand deux pistolets disparaissent et qu’un soldat boit une bière de trop, les médias s’en délectent et l’opinion publique a l’impression que toute l’armée est dans un état misérable. Ceux qui s’en prennent à l’armée veulent peut-être s’en prendre à ma personne. Mais ce sont 150’000 soldats qui sont concernés, 150’000 soldats qui accomplissent chaque année un travail exemplaire. J’ai parfois de la peine à le supporter.

swissinfo.ch: La situation, du point de vue des menaces, s’est détendue. A quel point l’armée a-t-elle un problème de légitimation?

U.M.: L’armée est notre assurance pour le pire des cas, elle a donc sa légitimation. Elle coûte en outre très peu, de fait, beaucoup moins que, par exemple, toutes les assurances RC pour véhicules motorisés.

L’armée n’a pas de problème de légitimation puisqu’elle est responsable de la sécurité du pays. Si la Suisse est un des pays les plus riches du monde, elle le doit aussi à sa sécurité. Or un élément essentiel de la sécurité du pays est son armée. Une réduction de l’armée péjorerait à long terme la sécurité du pays, et son bien-être aussi. De plus, en cas de besoin, on ne peut pas bâtir une armée en quelques années. 

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swissinfo.ch: L’achat de l’avion de combat Gripen est très largement contesté, même à droite de l’échiquier politique. L’achat fera probablement l’objet d’une votation populaire. Comment allez-vous vous y prendre pour convaincre?

U.M.: Cela sera une votation difficile pour l’armée. La question de la légitimation va faire débat. Je pense que nous pouvons gagner la votation si nous expliquons en toute transparence de quoi il s’agit. Nous expliquerons aux citoyennes et citoyens suisses que, sans sécurité, il n’y a pas de bien-être.

swissinfo.ch: Les Suisses de l’étranger se sentent négligés. Comment allez-vous leur parler, durant votre année présidentielle?

U.M.: Je ne peux malheureusement rien faire de concret pour les Suisses de l’étranger. Je suis assez réaliste. Chaque fois que c’est possible, je favorise les bons contacts avec les Suissesses et les Suisses de l’étranger. Je songe ainsi au vote électronique, mais, là aussi, il faut se garder d’avoir de trop grandes attentes.

Si mon agenda le permet, je participerai peut-être à un congrès des Suisses de l’étranger. Mais je n’aime pas faire des promesses que je ne peux pas tenir.  

(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)

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