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Vingt ans après Louxor, le dossier judiciaire pourrait être rouvert

Deux soldats égyptiens devant le temple de Hatshepsout, près de Louxor, au lendemain du massacre qui a coûté la vie à 62 personnes, dont 36 Suisses, le 17 novembre 1997 (archives). KEYSTONE/AP/MOHAMED EL-DAKHAKHNY sda-ats

(Keystone-ATS) Il y a vingt ans, jour pour jour, 62 personnes dont 36 Suisses mouraient dans l’attentat terroriste de Louxor. L’enquête est close depuis plus de 15 ans. Mais le commanditaire présumé de l’attaque aurait été retrouvé et le dossier judiciaire pourrait être rouvert.

“Attenter de façon aussi odieuse à la vie, c’est se faire l’ennemi de toute l’humanité”, avait déclaré le président de la Confédération d’alors Arnold Koller. Ce matin du 17 novembre 1997, armés de kalachnikovs et de poignards, les six tueurs du commando islamiste déguisés en agents de sécurité ont plongé dans la mort le temple d’Hatchepsout – dans la Vallée des rois, en Egypte – pendant 45 longues minutes.

Bilan: 62 morts, dont 36 touristes Suisses, quatre Egyptiens, dix Japonais, six Britanniques, quatre Allemands, un Français et un Colombien. Vingt-quatre autres personnes étaient blessées, dont 12 Suisses. L’attaque a été revendiquée par l’organisation islamiste Jamaa Islamiya (“la communauté islamique”, en arabe), active en Egypte depuis les années 1970.

Premier attentat islamiste

Selon un article de la NZZ paru samedi, les assassins auraient laissé – dans le ventre fendu d’un touriste japonais – une lettre pour remercier leur chef militaire, Mustafa Hamza. Ce dernier aurait commandité l’attentat à partir du Soudan. Les terroristes ont trouvé la mort durant leur fuite dans des circonstances peu claires, tués par la police ou suicidés.

Il s’agit de l’attaque terroriste qui a fait le plus de victimes helvétiques (12 cantons sont touchés au total), ainsi que du premier attentat majeur commis par des islamistes radicaux, dans le but de tuer au hasard le plus grand nombre possible de victimes.

Besoin de justice

Mais “aucune personne ne sera punie pour cet attentat”, regrette Stephan Kopp, interrogé par la RTS dans l’émission “Mise au point” diffusée dimanche. Ce dernier a été blessé par balles lors de l’attaque et y a perdu son épouse.

“Ce qui me trouble, c’est que l’enquête a été fermée de manière presque nonchalante. Sans que la Suisse reçoive des explications. On n’a rien obtenu. Rien”, dénonce M. Kopp pour qui le besoin de justice reste présent. Il reproche aux gouvernements suisse et égyptien un manque d’efforts pour éclaircir l’affaire et arrêter le ou les commanditaires.

La justice suisse a officiellement suspendu l’enquête en mars 2000, trois ans après l’attentat, sans que personne ne soit jugé. En cause, notamment, le manque d’informations.

Reconstitution impossible

Le MPC avait, dans une demande d’entraide judiciaire, adressé 116 questions à l’Egypte sur les circonstances de l’attentat, notamment concernant ses auteurs, leur armement, habillement, façon de procéder ainsi que leurs revendications.

Mais le rapport d’enquête final des autorités égyptiennes – que Berne a reçu en juillet 1999 – ne contient aucun détail et est rempli d’erreurs, selon les recherches de la RTS. Dans le dossier dont “Mise au point” a diffusé des passages, l’émission constate que la priorité des Egyptiens était le retour des touristes et pas l’enquête.

Le rapport d’enquête final de la Police fédérale affirme qu’il a été quasiment impossible de reconstituer le fil exact des événements. Ont manqué en effet les témoignages des forces de sécurité égyptiennes, arrivées après coup, et les déclarations des témoins sur place, souvent contradictoires.

La Suisse n’a pas disposé de tous les éléments relatifs à l’enquête. “Les autorités égyptiennes n’ont transmis ni les expertises des médecins légistes ni les procès-verbaux des personnes entendues à la suite du massacre”, relève le rapport.

Enquête bâclée

Mais Berne a manqué de persévérance. Selon d’anciens diplomates cités par la RTS, le Conseil fédéral de l’époque était plus occupé par les dédommagements qu’à chercher la vérité et les coupables.

La Police fédérale avait estimé qu’il était désormais inutile d’espérer des informations complémentaires sur cet attentat et a ensuite abandonné l’enquête, concluant que la Suisse et ses citoyens n’étaient pas directement visés par l’attaque.

Les terroristes avaient plutôt pour but de déstabiliser et de faire pression sur l’Etat égyptien, selon Berne. “Le fait que plus de la moitié des victimes était d’origine helvétique relève purement du hasard, aussi tragique que cela puisse être”, affirmait le rapport.

Les victimes suisses du massacre de Louxor ont été indemnisées pour une somme totale de 4,7 millions de francs, financés par les deux voyagistes concernés, Hotelplan et Imholz, et par leurs assurances respectives. Le Caire avait refusé tout geste, même symbolique, en faveur des victimes, craignant un précédent. Elle a préféré miser sur de meilleures mesures de sécurité pour les touristes.

Révélations

Quinze ans après la clôture de l’enquête, des révélations de la RTS diffusées dimanche à Mise au point relancent la possibilité de rouvrir le dossier judiciaire. La RTS aurait localisé le commanditaire présumé de l’attentat, Mustafa Hamza.

Celui-ci serait dans une prison au Caire depuis trois ans pour des affaires de terrorisme, mais sans lien avec Louxor. Son avocat a affirmé à la télévision romande qu’aucune procédure en lien avec Louxor ne vise M. Hamza. Il s’est également dit confiant dans la prochaine libération de son client.

Le Ministère public de la Confédération (MPC) a confirmé à l’ats avoir des soupçons à l’encontre de M. Hamza. Il a indiqué qu’il incombe à l’Egypte, lieu de la commission des infractions, de poursuivre sur le plan pénal cette personne. Selon la RTS, il dit vouloir réétudier le dossier, sans donner de détails.

Pas de cérémonie officielle

Le 17 novembre 2007, dix ans après l’attentat, une centaine de parents et amis des victimes s’étaient recueillis dans une église à Kloten (ZH) lors d’une cérémonie. Ils avaient allumé des bougies en leur souvenir et en mémoire de toutes les victimes de violence et de la guerre.

Aucune cérémonie officielle ne semble être prévue vendredi en Suisse – ni à Louxor, selon le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) – pour commémorer l’anniversaire. La Confédération saisit l’occasion pour faire part de sa sympathie et ses condoléances aux proches des victimes, ajoute encore le DFAE.

La seule survivante romande est âgée aujourd’hui de 86 ans. Son témoignage avait fait le tour du monde à l’époque. Contactée par l’ats, elle n’a pas souhaité s’exprimer.

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