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Le bernard-l’ermite craint pour sa coquille lorsqu’il se reproduit

Certaines espèces terrestres de bernard-l'ermite, qui remodèlent leur coquille, ont de plus grands "pénis" (relativement à leur taille) que les espèces qui ont des coquilles non travaillées (archives). KEYSTONE/AP/Charlie Riedel sda-ats

(Keystone-ATS) Pas évident pour un bernard-l’ermite de se reproduire en toute sérénité, sans que ses congénères ne tentent de lui dérober sa coquille. Au cours de l’évolution, le “pénis” de certaines espèces terrestres aurait grandi pour réduire ce risque, suggère une étude.

Mark Laidre, biologiste au Dartmouth College (Etats-Unis), étudie depuis plusieurs années ces crustacés à l’abdomen mou qui s’abritent dans une coquille vide de gastéropodes et changent de logement à mesure qu’ils grandissent.

Dans une étude publiée mercredi dans Royal Society Open Science, le chercheur se penche sur l’importance de ce qu’il appelle “la propriété privée” (à savoir la coquille) “sur l’évolution de la taille du pénis” de ces animaux, également appelés pagures.

En effet, toutes les coquilles ne se valent pas. Les plus prisées sont celles qui ont été “remodelées” par le crustacé. Car si les bernard-l’ermite aquatiques se contentent de s’approprier des coquilles abandonnées, certaines espèces terrestres vont plus loin et transforment leur logement grâce à des substances chimiques et des actions physiques, notamment pour en alléger le poids.

Gare aux voleurs de coquille

Mark Laidre s’est intéressé au risque auquel s’expose le bernard-l’ermite lorsqu’il se reproduit et cherche à transmettre ses gènes. Il lui faut en effet sortir en partie de sa coquille pour pouvoir féconder la femelle avec ce qui peut s’apparenter à un “pénis”, selon le chercheur. Grâce à des “tubes sexuels”, il éjacule une substance gélatineuse portant des spermatozoïdes à l’entrée de l’appareil génital de la femelle.

Le mâle est alors très vulnérable face aux voleurs de coquille. Si un congénère la lui dérobe, le bernard-l’ermite terrestre risque de se dessécher et de mourir dans les 24 heures. Dans son étude, le chercheur a d’abord posé l’hypothèse que les “pénis” de ces crustacés auraient évolué et se seraient agrandis “pour éviter le vol de leur bien pendant l’acte sexuel”.

Puis il s’est attaché à vérifier son hypothèse. Il a étudié 328 spécimens de neuf espèces voisines de bernard-l’ermite terrestres et aquatiques, conservés dans des musées. Il a notamment mesuré très précisément le rapport entre la taille du “pénis” et la taille des individus.

Rester couvert et copuler

Résultat : les espèces terrestres de la famille Coenobita, qui remodèlent leur logement, ont de plus grands “pénis” (relativement à leur taille) que les espèces qui ont des coquilles non travaillées. Et celles-ci ont un attribut mâle plus grand que des crustacés voisins qui n’ont pas de coquille.

“Ces résultats suggèrent que des pénis plus grands résultent d’adaptations morphologiques pour faciliter le ‘safe sex'”, qui consiste pour les individus à conserver leurs biens en étendant un long pénis en dehors de leur coquille pour copuler”, résume le chercheur.

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