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La Suisse laisse ses collections scientifiques en friche

Les collections d’insectes (ici l’Apollon Parnassius apollo) ne servent pas seulement à documenter la biodiversité, mais permettent de retracer les aires de distribution anciennes et actuelles, de comprendre l’évolution des populations, et donc d’estimer les risques encourus par une espèce. Michel Sartori/Musée cantonal de zoologie Lausanne sda-ats

(Keystone-ATS) La Suisse néglige ses vastes collections de sciences naturelles, qui contiennent plus de 60 millions d’objets. Seulement 17% de ce matériel est enregistré numériquement et donc réellement accessible à la recherche.

C’est ce que montre le rapport “Importance nationale des collections suisses de sciences naturelles” de l’Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT), présenté jeudi à Berne devant la presse.

Plus de 60 millions d’animaux, de plantes, de champignons, de pierres, d’échantillons de sol et de fossiles sont conservés dans les musées, les universités et les jardins botaniques. Sur ce total, environ un tiers documente la transformation de la nature en Suisse, le reste provenant du monde entier.

Les quelque 180’000 spécimens d’espèces et leurs sous-unités sont particulièrement importants, souligne le rapport, qui offre pour la première fois un aperçu systématique des collections des institutions publiques du pays.

Pour la recherche sur des sujets tels que le climat, l’agriculture (ravageurs, pesticides), les maladies transmissibles, la biodiversité ou l’utilisation souterraine (énergie géothermique, tunnels), les collections contiennent des données uniques, ont relevé les auteurs.

En particulier, les changements environnementaux au fil des décennies ou des siècles ne peuvent souvent être détectés qu’à l’aide d’objets provenant de ces collections.

Requête au SEFRI

Par ailleurs, les chercheurs acquièrent constamment de nouvelles connaissances en analysant le matériel génétique ou la composition chimique à l’aide de scanners et d’autres méthodes modernes.

Le grand potentiel des collections pour la recherche est cependant largement inexploité en raison de l’absence de traitement, de numérisation et de mise en réseau des données. La SCNAT a donc décidé de travailler en collaboration avec des musées, des universités et des jardins botaniques au développement d’une stratégie et d’une plate-forme de recherche numérique.

Le projet nécessite un investissement de 14 millions de francs, selon l’Académie. Une requête dans ce sens a été adressée en décembre au Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), a déclaré Christoph Scheidegger, de la SCNAT. S’y ajouteront des contributions des institutions de collection elles-mêmes.

Les partenaires souhaitent également que les collections soient reconnues comme une infrastructure nationale de recherche. De nombreux pays européens ont déjà une bonne longueur d’avance, note la SCNAT. L’Union européenne a également répertorié l’an dernier des collections comme infrastructure de recherche prioritaire.

Espèces invasives

Les collections scientifiques sont importantes par exemple lorsqu’il s’agit d’examiner des espèces animales ou végétales invasives, a illustré Alice Cibois, de la Swiss Systematics Society. Avec ses 60 millions d’objets, la Suisse a un rôle important à jouer, a encore estimé le biologiste Christoph Scheidegger.

Le fait qu’il s’agit de structures décentralisées a jusqu’ici empêché la mise sur pied d’une plate-forme numérique nationale, selon l’Académie. L’argent a en outre été investi en premier lieu dans les expositions. L’état des collections est néanmoins jugé généralement bon.

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