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La France rend hommage à Claude Lanzmann, réalisateur de “Shoah”

Dans la cour des Invalides, en présence de la garde républicaine, c'est le premier ministre français Edouard Philippe (à gauche) qui a rendu l'hommage national à l'intellectuel Claude Lanzmann. Keystone/EPA/CHRISTOPHE PETIT TESSON sda-ats

(Keystone-ATS) La France a rendu hommage jeudi à Paris à Claude Lanzmann, réalisateur de “Shoah” qui a traversé le 20e siècle avec la volonté irréductible de témoigner de l’extermination des Juifs d’Europe par les nazis. La cérémonie était ouverte au public, un voeu de la famille.

“En ce jour, Claude Lanzmann, vous n’êtes pas seul: nous sommes tous avec vous; ces morts sont tous avec vous. Ils vous maintiendront vivant à jamais”, a déclaré le premier ministre français Edouard Philippe lors de cet hommage national. “Vous avez fait exister ceux qui ne sont plus, et il n’est pas impossible que vous ayez réussi à faire exister beaucoup de ceux qui sont ici”, a-t-il souligné à propos de l’ancien résistant, décédé à 92 ans.

Dans la cour des Invalides, en présence de la garde républicaine, étaient réunis d’anciens ministres – Bernard Kouchner, Jacques Toubon, Jack Lang -, le philosophe Bernard-Henri Lévy, l’écrivain Frédéric Beigbeder, le cinéaste Arnaud Desplechin, l’actrice Judith Magre, première épouse de Claude Lanzmann ainsi que sa veuve Dominique.

Face au cercueil recouvert du drapeau bleu-blanc-rouge, Bernard-Henri Lévy a évoqué, visiblement ému, la figure d’Orphée – le poète revenu des enfers – pour saluer celui qui fut écrivain, philosophe, journaliste et surtout mémoire de l’holocauste et de ses victimes. Dans son éloge funèbre, Bernard-Henri Lévy a salué l'”intellectuel engagé et querelleur” ainsi que le “jeune maquisard, bouillant d’intrépidité et de vie” que fut Claude Lanzmann, résistant en 1943 à Clermont-Ferrand.

Shoah: “des visages”, “un cri”

Figure marquante du 20e siècle, Claude Lanzmann est décédé il y a tout juste une semaine. “La grande épreuve a été de perdre notre fils des suites d’un cancer, en janvier l’année dernière, c’était notre fils unique”, a confié sa veuve. “Mon mari ne s’en est pas remis, sinon il aurait vécu 100 ans”.

Après cet hommage, il devait être inhumé dans le caveau familial au cimetière du Montparnasse, non loin de Simone de Beauvoir, avec qui il partagea une partie de sa vie, et de Jean-Paul Sartre. Le grand rabbin de France Haïm Korsia devait diriger la cérémonie religieuse de celui qui était attaché à sa judéité sans pour autant être pratiquant.

Claude Lanzmann laisse derrière lui une oeuvre de mémoire avec “Shoah”, le monument documentaire sur l’extermination des Juifs d’Europe. “Shoah, c’est une oeuvre unique pour un crime unique, ce sont des visages, c’est un cri. Un refus aussi: celui de l’oubli”, a souligné le premier ministre français, évoquant “un ‘film-ogre’ qui dévore le temps, l’espace, voire à certains moments de sa vie, son créateur”.

“Shoah” est entré dans l’histoire du cinéma par sa durée (9H30), sa forme (pas d’images d’archives) et son propos: raconter “l’indicible”. Sa réalisation fut une aventure de longue haleine puisque la préparation et le tournage s’échelonnèrent de 1974 à 1981 avec un montage qui dura presque cinq ans.

A côté de cette oeuvre-monument, Claude Lanzmann fut également journaliste, directeur des Temps Modernes, et écrivain. Ami de Jean-Paul Sartre, compagnon de Simone de Beauvoir, il a été un infatigable défenseur de la cause d’Israël, voyant dans l’antisionisme “un des masques de l’antisémitisme”.

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