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Ignazio Cassis, élu au Conseil fédéral, respectera la collégialité

"Je serai à 200% au service du pays, de toutes les régions et de toute la population", a promis Ignazio Cassis. Keystone/PETER KLAUNZER sda-ats

(Keystone-ATS) Le successeur de Didier Burkhalter au gouvernement est Ignazio Cassis. Le Tessinois a été élu mercredi par l’Assemblée fédérale à l’issue du 2e tour de scrutin. Le libéral-radical a assuré qu’il respecterait l’esprit de collégialité au sein du Conseil fédéral.

M. Cassis a été élu avec 125 voix sur 244 bulletins valables, largement devant les deux autres candidats présentés par le PLR, le Genevois Pierre Maudet (90 voix) et la Vaudoise Isabelle Moret (28 voix). Après l’annonce des résultats, le Tessinois s’est empressé de saluer ses concurrents. Tout sourire, M. Cassis enchaînait déjà depuis un moment les poignées de mains dans la salle du National.

Une fois passé le moment d’euphorie ayant suivi son élection, M. Cassis s’est adressé à la tribune en italien aux parlementaires, puis en français. “Je veux forger au gouvernement une unité plus forte encore que celle de notre pays”, a-t-il dit. Il a accepté son élection avec “une grande joie et un immense respect”, puis a prêté serment en italien, en levant trois doigts de sa main droite.

Place ensuite à la traditionnelle marche dans les couloirs du Palais fédéral. M. Cassis a été guidé par le vice-chancelier de la Confédération André Simonazzi jusque devant ses collègues du collège, avant les photos du nouveau Conseil fédéral au complet.

Collégialité de mise

A la mi-journée, lors de sa première conférence de presse en tant que conseiller fédéral, M. Cassis a dit vouloir consolider la voie bilatérale avec l’UE. Des questions institutionnelles doivent être réglées. Il importe peu que ce soit sous la forme d’un accord-cadre ou non. Interrogé sur un éventuel glissement à droite du gouvernement après son élection, il a promis qu’il ne changerait pas.

Avant de répéter qu’il se tiendra aux décisions collégiales du Conseil fédéral: “les positions extrémistes ne permettent pas d’aller de l’avant, mais j’apporterai toutes mes positions libérales-radicales au gouvernement”. Il a dit n’avoir fait aucune autre promesse aux groupes parlementaires, notamment à l’UDC.

La victoire haut la main de M. Cassis, 56 ans, n’est pas une surprise. De nombreux parlementaires reconnaissent au Tessin le droit d’être à nouveau représenté au gouvernement, après le départ de Flavio Cotti il y a 18 ans.

Candidats fair-play

La perspective d’un gouvernement avec une seule femme, après le retrait de Doris Leuthard en 2019 au plus tard, avait quant à elle donné de l’élan à Isabelle Moret, qui a ensuite dû faire face à de nombreuses critiques. Interrogée après l’élection, la candidate s’est déclarée satisfaite de sa campagne. “La question d’une femme PLR au Conseil fédéral va revenir sur le tapis”, a-t-elle dit.

“Le Parlement fédéral voulait un Tessinois. Il l’a clairement exprimé”, a réagi Frédéric Borloz, le président du PLR Vaud. Mais le conseiller national ne regrette pas d’avoir lancé une candidate.

L’autre candidat défait Pierre Maudet, 39 ans, encore inconnu il y a peu sous la Coupole fédérale, s’est lui aussi montré de bonne foi. “C’est un sentiment de déception, mais en même temps un sentiment de force”, a-t-il déclaré à la RTS. Même s’il a perdu, il a “beaucoup appris” de cette campagne, faisant allusion à la citation de Nelson Mandela. “J’ai dû sortir de ma zone de confort”, a-t-il confié.

Le PLR Genève s’est dit fier de son parcours. “Il a mené une campagne positive, portant des sujets importants. Il a fait un beau score”, a dit le président du parti cantonal Alexandre de Senarclens.

Triomphe du Tessin

Réunis dans un restaurant bernois, une centaine de membres du PLR tessinois ont réagi par des cris de joie à l’élection d’Ignazio Cassis au Conseil fédéral. Les gens scandaient “Ignazio, Ignazio, Ignazio!” Certains sont montés sur des chaises, le poing levé. Et quelques admirateurs de M. Cassis se sont mis à danser la polka.

Le président du Conseil d’Etat tessinois Manuele Bertoli a appelé cette journée d’élection “jour important pour le Tessin”. Et cela, même si en tant que membre du parti socialiste, il n’est pas sur la même ligne politique que M. Cassis. Le conseiller national tessinois et ancien candidat au Conseil fédéral Norman Gobbi (UDC/LEGA) a fait de même, déclarant qu’il s’agit d’un “jour de fête pour le Tessin”.

Ignazio Cassis a toujours cru en lui durant la campagne, a relevé de son côté Bixio Caprara, président du PLR tessinois. Selon lui, c’est cela qui a fait la différence. Le conseiller aux Etats Fabio Abate et la conseillère nationale Silva Semadeni se sont dits eux aussi ravis du scrutin. Pendant que les habitants de Montagnola, village d’Ignazio Cassis, accueillaient l’élection de leur prodige avec joie.

La Fédération des médecins suisses (FMH) a félicité son ancien vice-président pour son élection. Elle s’est réjouie qu’après 105 ans un médecin siège à nouveau au gouvernement suisse. De son côté, Curaviva a fait savoir que M. Cassis renonçait à la présidence de cette association. Cette présidence et sa proximité avec les assureurs maladie avait créé la polémique durant la campagne.

Des réactions positives

Du côté des partis gouvernementaux, la présidente du PLR Petra Gössi s’est dite “contente” que l’élection se soit achevée au 2e tour déjà, dans le respect des candidats officiels. Même son de cloche au PDC: “on est content que ce soit passé rapidement avec une unité claire pour que la constitution soit respectée”, a déclaré Filippo Lombardo (PDC/TI).

“M. Cassis s’est positionné très clairement sur le dossier européen en disant qu’il fallait appuyer sur le ’bouton reset'”, a salué pour sa part le président de l’UDC Albert Rösti, interrogé par l’ats. Le fait qu’Ignazio Cassis soit d’un canton frontalier peut aussi être favorable à certains dossiers comme l’asile ou la migration.

Le président du PS Christian Levrat (PS/FR) ne s’attend pas à une modification fondamentale de la ligne politique du Conseil fédéral. “Il y aura un changement du vocabulaire et une communication plus offensive, mais pas de grande évolution”, a-t-il déclaré. Il reconnaît la proximité de M. Cassis avec l’UDC, bien que celui-ci “n’ait jamais fait de concessions”, a souligné le Fribourgeois.

Dans un tweet, la présidente des Verts Regula Rytz a elle souligné que le PLR a un problème avec les femmes. “Depuis 1848, 69 hommes ont été élus au Conseil Fédéral et seulement une femme. Seule l’UDC est plus conservatrice”, selon la Bernoise. Plusieurs parlementaires membres du PS et des Verts ont émis des critiques semblables.

En tête dès le départ

Ignazio Cassis est le 117e conseiller fédéral de Suisse. Quatre autres conseillers fédéraux ont été élus dès le 2e tour de scrutin depuis 1959. Ignazio Cassis a fait le même score qu’Eveline Widmer-Schlumpf en 2007. Alain Berset avait obtenu 126 voix en 2011 et Hans-Rudolf Merz 127 en 2003. Adolf Ogi les avaient tous dépassés avec 132 voix en 1987.

Le conseiller national tessinois avait les faveurs d’une partie de l’UDC. Les Verts avaient indiqué qu’ils soutiendraient “majoritairement” Isabelle Moret, 46 ans. Le PDC et les Vert’libéraux, refusant de trancher, laissaient la liberté de vote. Le PS était resté désuni jusqu’au moment de l’élection, qui se déroulait comme de coutume à bulletins secrets.

A la fin du 1er tour de scrutin, il ne manquait déjà que 13 voix à M. Cassis pour avoir la majorité absolue et être élu. Il avait recueilli 109 voix, contre 62 pour Pierre Maudet et 55 pour Isabelle Moret. Seize parlementaires avaient désigné d’autres personnes, bien qu’aucun candidat “sauvage” n’ait émergé. Au 2e tour, un seul bulletin désignait une personne autre que les candidats officiels.

Départements en question

Le nouveau conseiller fédéral Ignazio Cassis reprendra un des départements, celui des affaires étrangères ou un autre, si un de ses collègues décide de changer. La décision sera prise vendredi. Le conseiller fédéral nouvellement élu s’est dit “ouvert” et n’émet pas de préférence. “Ma curiosité intellectuelle est suffisamment large pour avoir du plaisir dans n’importe quel département.”

Le groupe parlementaire PLR doit de son côté se trouver un nouveau chef après l’élection d’Ignazio Cassis au Conseil fédéral. La décision devrait tomber dix jours avant la session d’hiver. En attendant, le Zurichois Beat Walti assure l’intérim.

Avant de trancher entre les candidats, l’Assemblée fédérale avait reçu le collège gouvernemental pour prendre congé de M. Burkhalter. Visiblement ému, le Neuchâtelois a remercié les parlementaires pour leur confiance. “Je respecte le ton de vos motions, même si aujourd’hui je préfère le ton de l’émotion”. Il a eu droit à une ovation debout avant de quitter la salle pour faire place au scrutin.

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