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Coup d’envoi du centenaire de la grève générale de 1918

Des travailleurs en grève réunis sur une place de Bellinzone lors de la grève générale en novembre 1918 (archives). Keystone/STR sda-ats

(Keystone-ATS) Un an avant le centenaire de la grève générale de 1918, l’Union syndicale suisse (USS) a organisé un colloque sur le sujet. Réunis mercredi à Berne, plusieurs historiens et historiennes sont revenus sur cet événement unique de l’histoire suisse.

Bien que la grève ait été interrompue et que les revendications n’aient pas abouti dans l’immédiat, elle a posé des jalons décisifs dans l’histoire de la Suisse moderne, a rappelé le président de l’USS, le conseiller aux Etats Paul Rechsteiner (PS/SG), dans son discours inaugural, selon le communiqué de l’organisation.

L’USS précise que ce colloque “donne le coup d’envoi au centenaire de la grève générale”. A cette occasion, scientifiques, milieux culturels, sociétés historiques et musées organiseront des activités dans toutes les régions du pays.

Pour mémoire, du 12 au 14 novembre 1918, quelque 250’000 travailleurs et travailleuses ont répondu à l’appel à la grève du “comité d’action d’Olten”. Le mouvement a été particulièrement suivi en Suisse alémanique et au Tessin. Il a pris fin sans succès le 14 novembre sous la pression de l’armée, mobilisée par le Conseil fédéral.

Revendications politiques

Les grévistes exigeaient entre autres l’introduction de l’AVS, le droit de vote des femmes, la semaine de 48 heures et l’introduction de l’élection à la proportionnelle du Conseil national. Ces progrès seront réalisés au cours du XXe siècle.

L’un des intervenants du colloque, l’historien Pierre Eichenberger, soulignait lundi sur les ondes de la RTS qu’en raison de ces revendications, la grève générale de 1918 était une “grève explicitement politique”. On bloque la production, pas uniquement pour des salaires ou pour une affaire qui serait interne à une entreprise, mais pour des idéaux politiques, précisait-il.

Situation précaire

Au moment de la grève, la population se trouvait dans une situation critique. La frange la plus pauvre de la population n’avait pas suffisamment à manger, note l’historien Bernard Degen, qui a lui aussi pris part au colloque, interrogé par l’ats. Le gouvernement n’a introduit le rationnement et assuré l’approvisionnement de base de la population qu’en 1918; “beaucoup trop tard”, selon l’universitaire.

De plus, durant la Première Guerre mondiale, les soldats n’étaient pas indemnisés pour leur service. Ils perdaient donc leur salaire, ce qui a plongé des familles pauvres dans la misère, explique le chercheur.

Leçon retenue

Le gouvernement retiendra la leçon et, lors de la Seconde Guerre mondiale, s’occupera de l’approvisionnement de la population dès le début. De plus, il mettra en place un système de compensation de salaires pour les soldats mobilisés. Dans les documents à ce sujet, on trouve des indications qui montrent que la Confédération voulait ainsi éviter une grève générale, précise M. Degen.

Et d’ajouter que le système d’assurance mis en place pour les soldats servira de base à la future AVS. Même si elle n’a été introduite qu’en 1947, près de trente ans après la grève, l’article constitutionnel à son sujet a, lui, été adopté en 1925 déjà. “C’est relativement rapide”, estime l’historien. La grève de 1918 a constitué un pas important vers le partenariat social tel qu’il existe aujourd’hui en Suisse, conclut-il.

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