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Cinq morts à Nairobi lors de la manifestation de l’opposition

Des milliers de supporters de l'opposition sont descendus dans les rues de Nairobi pour saluer le retour de leur leader Raila Odinga (qui salue depuis la première voiture). KEYSTONE/AP/BRIAN IGANGA sda-ats

(Keystone-ATS) Après deux semaines de calme, la capitale kényane Nairobi a connu des scènes de chaos vendredi. Au moins trois personnes ont été tuées par balle pendant que la police réprimait violemment une manifestation de l’opposition, interdite par les autorités.

Un photographe a vu les corps de trois jeunes hommes tués par balle, tous touchés au niveau du torse et dispersés en trois lieux différents dans le quartier de Muthurwa, à proximité immédiate du centre des affaires de Nairobi.

La police kényane a démenti vendredi soir avoir fait usage de balles réelles. Elle a ajouté que cinq individus avaient été tués en marge de la manifestation de l’opposition, tous lapidés à mort selon elle par des foules en colère qui les avaient surpris en train de piller des magasins ou détrousser des passants. “Malheureusement, ces incidents se sont déroulés avant que la police n’arrive sur les lieux”, a poursuivi le porte-parole de la police George Kinoti dans un communiqué.

Des milliers de supporters de l’opposition sont descendus dans les rues de la capitale pour saluer le retour de leur leader Raila Odinga, qui a passé 10 jours aux États-Unis pour tenter d’y rallier des soutiens, tout en dénonçant la passivité des Occidentaux à l’égard du processus électoral.

Défiant les autorités qui avaient interdit toute manifestation, les partisans de la coalition d’opposition Nasa se sont d’abord rassemblés aux abords de l’aéroport international Jomo Kenyatta, pour y fêter le retour de M. Odinga, 72 ans, aux cris de “Baba, Baba, Baba”, “papa” en swahili, son surnom.

Tirs de la police

La foule, en majorité composée de jeunes gens, a ensuite commencé à suivre le convoi de voitures du chef de l’opposition, qui entendait tenir un rassemblement dans un parc du centre-ville. Mais très vite la police est intervenue pour les disperser, usant d’abord de gaz lacrymogène et de canons à eau, puis en tirant en l’air.

Apparemment dépassés par les manifestants, qui leur lançaient des pierres, les policiers ont ensuite commencé à tirer à hauteur d’homme, selon les images des télévisions kényanes. Les mêmes scènes se sont répétées pendant deux à trois heures.

M. Odinga s’est ensuite brièvement adressé à la foule. “Aujourd’hui est le jour où nous lançons la troisième République au Kenya”, a-t-il déclaré en référence à l’indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne en 1963 et à la nouvelle Constitution adoptée en 2010. “Ce que vous avez vu est le signal qu’une troisième libération va bientôt arriver”, a-t-il ajouté, avant de s’éloigner rapidement en voiture.

Nasa tente de mobiliser la population pour obtenir l’annulation de la présidentielle du 26 octobre, qu’elle avait boycottée et qui a été remportée par le président sortant Uhuru Kenyatta, avec 98% des voix. Elle exige l’organisation d’une nouvelle élection.

Composer avec l’opposition

L’opposition avait annoncé la formation d’un mouvement “de résistance” après la réélection de M. Kenyatta, 56 ans, le 30 octobre. La manifestation de vendredi est sa première démonstration de force depuis lors.

Elle est loin d’avoir réuni le million de personnes qu’elle avait promis. Mais elle a tout de même fait preuve de sa capacité de mobilisation, alors que le pays attend que la Cour suprême rende lundi sa décision sur la validité de l’élection du 26 octobre.

Le Kenya était resté calme depuis la réélection de M. Kenyatta et la vie avait repris un cours normal.

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