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Biosurveillance humaine: la Suisse veut combler son retard

Le programme de biosurveillance humaine sur plusieurs décennies envisagé par l'OFSP pourrait livrer des enseignements sur les risques sanitaires des nanomatériaux, du glyphosate, du bisphénol ou de la cigarette électronique (archives). KEYSTONE/AP/NAM Y. HUH sda-ats

(Keystone-ATS) La Suisse accuse du retard en matière de biosurveillance humaine, soit l’exposition aux substances chimiques ou la présence de carences alimentaires. Un projet-pilote de quatre ans va être lancé avec 1000 volontaires. Il devrait être suivi d’une étude de longue durée.

Par rapport à d’autres pays, la récolte de données de santé auprès de la population est fragmentée en Suisse. Il n’existe actuellement aucune stratégie coordonnée ou étude d’ampleur nationale donnant un aperçu de l’état de santé effectif de la population et permettant de comprendre l’impact, notamment à long terme, de notre environnement et de certains comportements.

Faute de valeurs de référence suisses, les décisions politiques en matière de gestion du risque des produits chimiques sont pour la plupart basées sur les données de pays voisins. Elles ne prennent pas en compte les variables locales comme l’environnement industriel, l’utilisation de pesticides, de produits cosmétiques ou les habitudes alimentaires qui peuvent différer d’un pays, voire d’un canton à l’autre.

Or sans référence, il est impossible d’identifier et d’évaluer l’impact d’une pollution localisée, comme celle au mercure dans la région de Viège (VS) ou au radium à Bienne, ont indiqué lundi les responsables de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) devant la presse à Berne.

Parmi les autres enseignements potentiels d’un monitorage à large échelle et sur le long terme figurent les effets de la cigarette électronique, de même que ceux des nanomatériaux, du glyphosate, du bisphénol A, ou encore des édulcorants en relation avec le diabète.

Phase-pilote

La phase-pilote (2017-2020), approuvée il y a deux semaines par le Conseil fédéral, s’appuie sur la plate-forme de coordination de biobanques (Swiss Biobanking Platform/SBP). Elle sera chargée de mettre en place une infrastructure centralisée pour la récolte, la conservation et la gestion des échantillons et des données, afin d’en garantir la qualité et la comparabilité à long terme.

Cette structure réunit les cinq hôpitaux universitaires et celui de Saint-Gall, avec un engagement de certaines universités et des Ecoles polytechniques fédérales (EPF). Un millier de volontaires âgés de 20 à 69 ans et représentatifs de la population seront recrutés d’ici à la mi-2018 à Lausanne et Bâle, a expliqué à l’ats Martine Bourqui, cheffe de la section Evaluation des risques à l’OFSP.

Cela permettra de tester les processus et les infrastructures ainsi que d’analyser des substances et paramètres d’intérêt pour la santé publique. Le mercure et le glyphosate vont être prioritaires lors de la phase-pilote.

Des questions éthiques, légales et de protection des données doivent aussi être clarifiées. La publication des résultats est prévue d’ici 2020, précise Mme Bourqui.

Etude de cohorte

Au terme de l’étude-pilote, le Conseil fédéral décidera de l’opportunité de lancer un programme national sur le modèle des cohortes SAPALDIA (pollution de l’air) ou CoLaus (maladies cardio-vasculaires). Les volontaires de l’étude seraient soumis à des examens de santé, des questionnaires et une prise d’échantillons biologiques à intervalles réguliers, tous les cinq à sept ans environ.

Cette vaste étude interdisciplinaire vise le recrutement à terme de 100’000 participants. Une taille d’échantillon élevée permet d’évaluer l’effet d’un facteur précis, et d’analyser des sous-ensembles géographiques ou des groupes de personnes à risque.

L’étude-pilote devrait coûter un peu moins d’un million de francs, tandis que pour le programme proprement dit, les coûts sont estimés à 10 millions de francs par an sur dix ans.

Science renforcée

Un programme national serait l’opportunité de mettre sur pied un projet stratégique durable qui pourrait profiter à de nombreux acteurs, souligne l’OFSP.

Une biobanque associant échantillons biologiques, données cliniques et personnelles serait précieuse pour les scientifiques de Suisse. Elle permettrait une approche systémique de la santé, de la perspective moléculaire au système de santé dans son ensemble.

Par ailleurs, la recherche se trouverait directement renforcée par l’accès à des données et échantillons de qualité, comme l’illustrent les nombreuses publications liées à la création de cohortes nationales de biosurveillance humaine au Royaume-Uni ou en Allemagne. Enfin, de telles recherches s’inscrivent dans la stratégie Santé2020 décidée par le Conseil fédéral.

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