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Berne extrade une militante basque vers l’Espagne

La militante avait écopé en 2009 d'une peine privative de liberté de six ans et neuf mois pour soutien à l'organisation basque ETA (archives). KEYSTONE/AP/ALVARO BARRIENTOS sda-ats

(Keystone-ATS) La Suisse va extrader une activiste de l’organisation séparatiste ETA vers l’Espagne. Rien ne prouve que la Basque, arrêtée en 2016 à Zurich, a été torturée en Espagne et que les autorités espagnoles ne l’ont pas prise au sérieux. Humanrights.ch critique la décision.

Au cours de la procédure d’extradition, Nexane Txapartegi a déclaré avoir été condamnée en Espagne sur la base d’aveux faits sous la torture. Elle a également reproché aux autorités espagnoles de ne pas avoir examiné sérieusement sa plainte pour tortures, explique l’Office fédéral de la justice (OFJ) jeudi dans un communiqué.

Berne a analysé les documents requis auprès des autorités espagnoles, qui ont affirmé ne pas avoir torturé Mme Txapartegi. Les actes de procédure n’ont pas révélé non plus d’indices que la justice espagnole n’avait pas examiné sérieusement la plainte pour tortures.

La militante n’a fait recours contre les jugements rendus à son encontre ni devant la cour suprême espagnole, ni devant la Cour européenne des droits de l’homme. Elle avait écopé en 2009 d’une peine privative de liberté de six ans et neuf mois pour soutien à l’organisation basque ETA. Le 8 février, sa peine a été réduite à trois ans et six mois au terme d’un procès en révision.

Berne a aussi conclu que l’extradition ne pouvait être refusée pour violation des droits fondamentaux. Et les faits exposés dans la demande d’extradition sont également punissables en droit suisse. Toutes les conditions sont remplies, selon l’OFJ.

Recours en vue

Reste à savoir si l’extradition aura bien lieu: Nexane Txapartegi peut s’y opposer devant le Tribunal pénal fédéral (TPF) dans les 30 jours. Ce qu’elle va faire, a fait savoir Rolf Zopfi au nom du comité qui représente les intérêts de l’activiste.

Berne recommande au TPF de rejeter les allégations selon lesquelles elle serait poursuivie pour des raisons politiques.

En outre, l’intéressée ne sera extradée que si sa demande d’asile est refusée. M. Zopfi pense que sa requête sera effectivement rejetée.

La décision du Secrétariat d’Etat aux migrations sur la demande d’asile pourra être attaquée devant le Tribunal administratif fédéral. Les jugements des deux tribunaux pourront être renvoyés devant le Tribunal fédéral, qui tranchera définitivement.

Fausse identité

Nexane Txapartegi a été arrêtée le 6 avril 2016 à Zurich, avant d’être mise en détention. Les autorités espagnoles, qui la cherchaient depuis neuf ans, avaient émis un mandat d’arrêt international. La police espagnole avait signalé que la suspecte se trouvait en Suisse. A l’époque, la militante refusait son transfert vers l’Espagne.

Selon le jugement de la Cour suprême espagnole, elle a servi d’intermédiaire à l’ETA et a accompli diverses missions pour l’organisation en Europe et en Amérique du Sud.

Mme Txapartegi est entrée dans la clandestinité avant de purger sa peine et dit vivre en Suisse sous une fausse identité depuis 2009, précise l’OFJ.

Contre les droits humains

Les organisations en faveur des droits humains critique la décision de la justice helvétique. Selon Amnesty International Suisse, les allégations de la militante sont crédibles et les arguments de l’Office fédéral de la justice “pas pertinents”. L’association avait documenté le cas de la Basque dans son rapport annuel de 1999.

De son côté, humanrights.ch évoque une décision politique. La Suisse veut éviter de stigmatiser l’Espagne comme un état pratiquant la torture, dit à l’ats David Mühlemann. Berne se discrédite dans ses efforts de lutte contre la torture.

“Les indices de torture sont lourds”, selon M. Mühlemann. Des témoignages et un rapport médical attestent les reproches. La Convention anti-torture stipule qu’il faut, déjà en cas de doute et pas qu’en cas de preuve, renoncer à une extradition. La décision de l’OFJ viole ainsi clairement les principes fondamentaux des droits humains.

La Cour européenne des droits de l’homme a déjà condamné l’Espagne à huit reprises pour avoir violé l’interdiction de torture et de traitement inhumain et humiliant, la dernière fois il y a environ un an, rappelle humanrights.ch.

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