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Soudan du Sud: crimes contre l’humanité présumés après l’accord

La Commission des droits de l'homme sur le Soudan du Sud dont fait partie le Genevois Andrew Clapham a à nouveau identifié des responsables de crimes contre l'humanité présumés (archives). KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI sda-ats

(Keystone-ATS) Des violences qui peuvent équivaloir à crimes contre l’humanité et crimes de guerre ont été perpétrées au Soudan du Sud après l’accord de paix. La Commission de l’ONU sur les droits de l’homme dans ce pays demande des poursuites contre des commandants.

Il y a un an, les trois membres de cette instance, dont le Genevois Andrew Clapham, avaient identifié plus de 40 responsables qui devaient être poursuivis pour violences sexuelles et ethniques massives. Malgré l’accord conclu en septembre dernier, ces violations se sont poursuivies durant toute l’année 2018, estiment-ils dans leur nouveau rapport publié mercredi à Genève. Un quart des victimes sont des enfants, selon l’ONU.

“La situation a empiré”, a déclaré devant la presse M. Clapham. “Il n’y a aucun doute sur le fait que ces crimes sont permanents”, selon la présidente de la Commission Yasmin Sooka.

Autre mise en cause, le Genevois a rappelé que 18 membres ghanéens de la Mission de l’ONU sur le Soudan du Sud (MINUSS), accusés d’abus sexuels, avaient été rapatriés. “Je n’ai pas d’indication” sur une procédure disciplinaire, a ajouté M. Clapham, soulignant que la situation relève des autorités de leur pays. La Commission demande que les données de l’ONU sur les abus soient élargies aux organisations partenaires de la MINUSS.

Pas de Cour avant des mois

M. Clapham s’est aussi dit “scandalisé” par la poursuite de violences dans la région de Yei. Au moins 15’000 personnes ont été déplacées ces dernières semaines, en raison des heurts et du manque d’accès humanitaire. Des milliers se sont aussi réfugiées hors du Soudan du Sud.

Ces derniers mois dans le pays, des viols collectifs, des mariages forcés ou des enlèvements ont notamment été identifiés. En dix jours, 125 femmes ont été victimes à plusieurs reprises d’abus perpétrés en groupes. Vendredi dernier, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et la Mission de l’ONU au Soudan du Sud avaient mentionné 134 viols dans l’Etat d’Unité de septembre à décembre.

La Commission a pu établir la responsabilité de commandants des forces gouvernementales de l’Armée populaire de libération du Soudan du Sud (SPLA), de ceux des deux factions de l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (SPLA-IO), de deux gouverneurs et d’un autre dirigeant. “Certains pourraient être les mêmes” que ceux mentionnés l’année dernière, explique M. Clapham qui ne peut donner de chiffre précis.

La Commission déplore aussi à nouveau le retard dans le lancement de la Cour hybride avec l’Union africaine (UA) pour se prononcer sur les crimes en plusieurs années de guerre civile. Selon l’accord de paix, “nous ne pouvons pas l’attendre avant juin” au moins, dit le Genevois.

Il admet quelques poursuites pour crimes de guerre devant la juridiction nationale mais dénonce encore le manque de volonté de celle-ci. Une impunité, dénoncée également il y a quelques jours par la Haute commissaire aux droits de l’homme Michelle Bachelet, qui alimente les violences, estiment les commissaires.

Torture visée

Autre grief, les activités économiques des forces de sécurité, notamment dans la branche pétrolière, ont aussi contribué à nourrir les violences ethniques. Elles menacent de confronter le pays à une importante corruption.

La Commission appelle le gouvernement à renforcer le dispositif pour protéger les nombreuses femmes victimes de violences sexuelles. Une demande également lancée à la MINUSS qui a étendu récemment ses patrouilles dans l’Etat d’Unité pour encadrer les femmes contraintes de se déplacer face au manque d’eau et de nourriture.

Les membres de l’instance souhaitent aussi que les autorités mettent un terme aux détentions secrètes, à la torture et aux autres abus, qu’elles garantissent les libertés fondamentales et qu’elles oeuvrent pour une meilleure répartition des revenus du pétrole. Human Rights Watch (HRW) a demandé mercredi au Conseil des droits de l’homme de prolonger son mandat d’un an.

En plusieurs années de guerre civile, la Commission des droits de l’homme sur le Soudan du Sud a relevé de nombreux crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Les violences auraient fait près de 400’000 victimes au total.

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