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Le champion de la longévité gouvernementale fête ses 125 ans

Coupole du Palais fédérfal de Berne.
La coupole du Palais fédéral de Berne, le symbole par excellence de cet Etat fédéral moderne qui a été créé par les radicaux. Keystone

Le Parti libéral-radical (PLR / droite) célèbre ses 125 ans d’existence au niveau national. Présent sans discontinuer au sein du gouvernement suisse depuis 1848, le PLR est le champion mondial de la longévité politique. Mais il ne sait pas toujours mettre ce riche passé en valeur, estime l’historien Olivier Meuwly, spécialiste du mouvement radical.

Le PLR moderne puise ses racines dans les mouvements libéraux qui ont fleuri en Europe occidentale dans la première moitié du 19e siècle. En Suisse, l’histoire du libéralisme politique a été tout particulièrement couronnée de succès.

Homme parlant devant un micro
Olivier Meuwly L’historien Olivier Meuwly est docteur en droit et en lettres de l’Université de Lausanne. Il est actuellement adjoint au secrétaire général du Département des finances et des relations extérieures du canton de Vaud. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire du canton de Vaud, de la Suisse, des partis politiques et des idées. L’histoire des institutions helvétiques et le rôle de la démocratie directe dans leur évolution constitue des axes majeurs de ses recherches. Il collabore régulièrement avec les médias romands, notamment le quotidien Le Temps pour lequel il tient un blog. Keystone

Dès 1830, plusieurs cantons adaptent leur constitution dans un sens libéral. L’apothéose est atteinte en 1848, avec la création de l’Etat fédéral moderne, sous l’impulsion du mouvement radical. Battus lors de la guerre civile du Sonderbund, les catholiques-conservateurs – à l’origine du Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) actuel – sont pour longtemps relégués au rang d’opposants et les radicaux règnent presque sans partage sur le nouvel Etat. Ils n’ont jamais cessé depuis lors d’être représentés au gouvernement.

Le PLR jette aujourd’hui un regard rétrospectif sur cette histoire. Il y a en effet exactement 125 ans qu’il est devenu un parti national. 

swissinfo.ch: En 1894, les radicaux existaient depuis plusieurs décennies et étaient installés au pouvoir depuis plus de 50 ans. Pourquoi, dès lors, créer un parti national?  

Olivier Meuwly: Remarquons d’abord qu’il existe un double anniversaire. Cette année, on célèbre à la fois les 125 ans de la création du Parti radical-démocratique (PRD) et les 10 ans de celle du Parti libéral-radical, issu de la fusion du PRD et du Parti libéral suisse (PLS).

L’arrivée des nouveaux droits populaires – le référendum législatif en 1874 et l’initiative populaire en 1891 – a obligé les mouvements politiques à s’organiser au niveau national. Le Parti socialiste fut le premier à se doter d’une structure nationale en 1888 et le PRD a suivi en 1894.

La grande famille radicale, qui comptait plusieurs tendances, était particulièrement indisciplinée. Or, dans ce nouveau contexte politique, il fallait impérativement parler d’une même voix et s’organiser différemment, d’où la création d’un parti national. Les radicaux ont alors éliminé leur aile gauche en l’intégrant. Quant à l’aile droite, très proche des milieux économiques, elle est allée rejoindre le groupe d’Alfred Escher, ce qui a débouché sur la création du PLS en 1913. Les libéraux sont restés indépendants du PRD à Bâle-Ville et dans les cantons romands.

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Finalement, la fusion entre radicaux et libéraux, en 2009, a achevé ce qui avait été commencé en 1894. C’est un parti qui a une aile gauche et une aile droite depuis toujours. Il est fort quand il sait gérer ces deux ailes et faible quand il n’y arrive pas. 

swissinfo.ch: Justement, en ce moment, fort ou faible?

O. M.: Je pense que le parti va plutôt bien. Il a vécu une période difficile dans les années 1990 avec la forte poussée de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice). Mais cela a permis de resserrer les rangs, car il y avait moins de monde. Il y a eu une homogénéisation au centre droit et la création du PLR a parachevé ce positionnement. 

Parti libéral-radicalLien externe

Le PLR est né de la fusion, en 2009, entre le Parti radical-démocratique (PRD) et le Parti libéral suisse (PLS). Mais son histoire est bien plus longue, puisqu’il puise ses racines dans les mouvements libéraux et radicaux qui ont marqué la naissance de l’Etat fédéral moderne, en 1848. Alors que le PLS est resté confiné à quelques cantons, le PRD a été jusqu’en 1943 le plus grand parti politique du pays.

Mais le PRD a ensuite subi une érosion constante, passant de 24% des électeurs en 1979 à 15,7% en 2007. Malgré la fusion avec le PLS, le parti n’a pas réussi à redresser la barre, ne récoltant que 15,1% des voix lors des élections fédérales de 2011. 

Actuellement, la tendance est plus positive. Le PLR a récolté 16,4% des suffrages lors des dernières élections fédérales de 2015 et les sondages le créditent de 17,4% pour les élections fédérales de l’automne prochain.

Placé au centre droit de l’échiquier politique, le PLR défend traditionnellement des valeurs comme la responsabilité individuelle et la libre entreprise. Actuellement, il est représenté par 2 ministres, 33 députés et 13 sénateurs. Il est dirigé depuis 2016 par la députée swytzoise Petra Gössi.

swissinfo.ch: On évoque de temps à autre une possible fusion entre le PLR et le PDC, ce qui permettrait de créer un grand bloc de centre-droit, entre la gauche et la droite conservatrice. Qu’en pensez-vous?

O. M.: Il est clair que radicaux et démocrates-chrétiens ne sont plus ennemis depuis longtemps, mais ils ne sont toujours pas identiques. Même s’il a perdu de son importance religieuse, le protestant libéral est resté fort sur le plan sociologique. Cela marque la pensée politique. De ce fait, entre PLR et PDC, il n’y a aucune raison de fusionner. Le «C» du PDC n’est pas à l’ordre du jour du PLR qui reste un parti anticlérical. 

swissinfo.ch: Le fait d’avoir créé la Suisse moderne et de siéger au gouvernement depuis 1848 confère-t-il au PLR une aura particulière?

O. M.: Oui, mais l’ennui c’est qu’il ne sait pas la vendre. Depuis quelques années, c’est le PS ou l’UDC qui se réclament plutôt de l’héritage de 1848. 

swissinfo.ch: Plutôt que de grand parti étatique, le PLR conserve une image de parti à la solde des milieux économiques.

O.M.: C’est dommage. Sur le fond, il n’a pas tort de défendre l’économie, mais il présente mal les enjeux. Typiquement, la Loi sur le C02 est quelque chose qu’il aurait pu accepter très rapidement. Il a raté une occasion de se profiler à bon compte sur un thème où il n’est pas forcément le plus fort. C’est un manque de clairvoyance intellectuelle qui peut être un handicap. Quand on ne connaît pas forcément son histoire, ses forces et ses faiblesses, on ne sait pas toujours à quel moment lâcher du lest.

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