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Le pape refuse la démission du cardinal français Barbarin

Le pape François a invoqué la présomption d'innocence pour refuser la démission du cardinal Barbarin. KEYSTONE/EPA VATICAN MEDIA/VATICAN MEDIA HANDOUT sda-ats

(Keystone-ATS) Le pape a refusé la démission du cardinal français Philippe Barbarin, invoquant la “présomption d’innocence”. Le prélat, qui a fait lui-même cette annonce mardi, avait été condamné à 6 mois de prison avec sursis pour non dénonciation des abus sexuels d’un prêtre.

“Lundi matin, j’ai remis ma mission entre les mains du Saint-Père. En invoquant la présomption d’innocence, il n’a pas voulu accepter cette démission”, a annoncé Mgr Barbarin. Ce dernier reste donc archevêque de Lyon, mais laissera désormais la conduite des affaires courantes à l’actuel vicaire général Yves Baumgarten sur “suggestion” du pape. A Rome, le Vatican a confirmé par communiqué l’information.

“Conscient, cependant, des difficultés que connaît actuellement l’archidiocèse, le pape a laissé le cardinal Barbarin libre de prendre la décision la plus appropriée pour son diocèse”, ajoute le texte.

Archevêque de Lyon depuis 2002, cardinal depuis 2003, primat des Gaules (titre honorifique conféré à l’archevêque de Lyon depuis le XIe siècle), Mgr Philippe Barbarin est considéré à 68 ans comme le plus haut dignitaire de l’Eglise de France.

“L’erreur de trop”

Cette annonce a provoqué l’indignation des victimes de pédophilie dans le diocèse de Lyon, qui ont dénoncé “l’erreur de trop”. “Cela me paraissait improbable que (le pape) puisse faire un telle erreur. C’est incroyable”, a réagi auprès de l’AFP François Devaux, cofondateur de l’association de victimes la Parole libérée.

“Je crois que cet homme-là va réussir à tuer l’Eglise”, a-t-il ajouté. Un autre membre de l’association, Pierre-Emmanuel Germain-Thill, fustigeait une décision “choquante” et “un faux-pas de plus” de la part du pape.

Plus toutes les messes

Philippe Barbarin reste donc pour l’heure archevêque de Lyon, même s’il a annoncé qu’il se mettait “en retrait pour quelque temps”, laissant “la conduite du diocèse au vicaire général modérateur, le père Yves Baumgarten”. “Je reste en titre mais je me retire de la conduite du diocèse”, a-t-il précisé à la chaîne de télévision catholique KTO.

Et le cardinal d’expliquer qu’il ne présiderait plus les différents conseils et qu’il ne célébrerait plus tous les offices de la cathédrale de Lyon. Interrogé sur la durée de cette prise de distance, le prélat a répondu: “Je n’en sais rien, ça dépend si le procès en appel est très long ou ne dure que quelques mois”.

Dans un monastère

“Cela n’est pas du tout pareil si les affaires sont closes à la fin de 2019 ou s’il faut attendre trois ans. C’est pourquoi je n’ai pas mis de choses plus précises” dans le communiqué publié par le diocèse, a-t-il ajouté, alors que ses avocats disent espérer un procès en appel cette année.

Dans cette attente, le cardinal a affirmé qu’il serait tout de même très occupé, estimant notamment qu'”un bon temps de silence dans un monastère sera quelque chose de bien”. Un temps évoquée au Vatican, la nomination d’un administrateur apostolique à Lyon a finalement été écartée, et la Conférence des évêques de France (CEF), dans une prise de distance singulière, s’est dite “étonnée” d’une situation “inédite”.

Le président de la CEF, Mgr Georges Pontier, a dit toutefois comprendre que ce choix résulte du “conflit entre deux exigences”: celle de “respecter le cheminement de la justice” et celle de “se préoccuper du bien du diocèse de Lyon”.

Jugement en appel

A l’issue d’un procès devenu symbole de la crise de l’Eglise face aux actes pédophiles, il a été condamné le 7 mars à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé à la justice les agressions pédophiles imputées par des scouts au père Bernard Preynat dans les années 1980/1990. Il en avait été informé par une victime en 2014.

Le cardinal a martelé durant le procès n’avoir “jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits horribles”. Mais le jugement considère qu’il a choisi de ne rien dire aux autorités françaises “pour préserver l’institution” de l’Eglise, empêchant ainsi “la découverte de très nombreuses victimes d’abus sexuels par la justice”.

Ses avocats ont fait appel et il faudra donc attendre le jugement de ce second procès pour connaître le sort définitif du prélat. Réputé proche de Mgr Barbarin, le pape argentin a longtemps pris personnellement la défense du cardinal français. Lorsque l’affaire avait éclaté en 2016, il avait déjà rejeté une démission du prélat, jugeant qu’elle serait “un contresens, une imprudence”, avant l’issue de son procès.

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