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Le Conseil fédéral temporise sur l’accord-cadre avec Bruxelles

Le président de la Confédération Alain Berset s'est entouré du ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis (à gauche) et du ministre des finances Ueli Maurer (à droite) pour expliquer sa position concernant un éventuel accord institutionnel avec l'UE. KEYSTONE/PETER KLAUNZER sda-ats

(Keystone-ATS) Le Conseil fédéral temporise sur l’accord-cadre avec l’Union européenne. Avant de dire s’il accepte ou refuse le projet issu des négociations, il a décidé vendredi de lancer une vaste consultation sur le “deal” proposé.

Le Département des affaires étrangères mènera les discussions avec les milieux concernés début 2019 et le gouvernement fera le point au printemps. “Ce n’est pas un exercice de style, il s’agit de vérifier le soutien politique au texte”, a expliqué à la presse Alain Berset.

Selon le président de la Confédération, son homologue de la Commission européenne Jean-Claude Juncker informé par téléphone s’est montré compréhensif.

La situation est très délicate pour le gouvernement. Il est entré dans la négociation en fixant des lignes rouges, or plusieurs ont été franchies. “Le Conseil fédéral ne peut pas parapher l’accord pour l’instant car le but fixé n’a pas été entièrement atteint”, a constaté le conseiller fédéral Ignazio Cassis.

Risqué

Le Conseil fédéral aurait de la peine à obtenir un soutien du Parlement, voire du peuple. Mais refuser d’emblée le projet risque d’exposer la Suisse à des sanctions de Bruxelles comme la rupture des négociations sur l’électricité ou la non-reconnaissance de l’équivalence de la Bourse suisse qui échoit à la fin du mois.

Selon le gouvernement, il n’est pas envisageable pour l’UE de suspendre ou reporter les négociations sur l’accord-cadre. De nouvelles négociations ne sont pas exclues, mais ne pourraient avoir lieu avant 2020 et rien ne garantit que l’UE se fonderait sur l’actuel projet d’accord.

Le Conseil fédéral préfère donc temporiser en dévoilant le résultat obtenu. Voulu par Bruxelles surtout pour garantir une meilleure harmonisation des droits suisse et européen, l’accord ne chapeautera pas les quelque 120 accords bilatéraux, juste les accords d’accès à venir et existants (libre circulation, produits agricoles, transport aérien, transports terrestres, reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité).

La Suisse disposera de délais suffisants pour reprendre chaque développement du droit européen, avec possibilité d’un référendum. Une reprise automatique est exclue.

Protection des salaires

En revanche, l’UE veut des concessions sur les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. Elle exige que la Suisse soumette la protection des salaires au droit européen (directive sur les travailleurs détachés) dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur de l’accord institutionnel.

Au grand dam du Conseil fédéral, Bruxelles n’est prête à garantir que les mesures suivantes dans l’accord: un délai d’annonce des travailleurs détachés ramené de huit à quatre jours, le dépôt d’une caution uniquement pour les employeurs ayant déjà abusé et une obligation de documentation pour les travailleurs indépendants.

Aide sociale

Le projet ne mentionne pas la directive concernant la citoyenneté européenne (“directive sur la libre circulation des citoyens de l’UE”). Le texte obligerait la Suisse à étendre les droits à l’aide sociale, offrir une protection accrue contre l’expulsion et accorder un droit de séjour permanent dès 5 ans de séjour.

Berne estime que ce n’est pas un développement de la libre circulation à reprendre. Bruxelles est d’un autre avis. Le projet ne mentionne pas non plus le règlement de l’UE sur la coordination des services de sécurité sociale en cours de réforme dont une reprise contraindrait la Suisse à verser des prestations de chômage aux travailleurs frontaliers actifs sur son territoire.

Si les parties divergent sur la reprise du droit, le nouveau mécanisme de règlement des différends s’appliquera. Chaque partie pourrait saisir le comité mixte chargé de la gestion des accords.

Si celui-ci ne trouve pas de solution en trois mois, chaque partie pourra saisir un tribunal arbitral commun et paritaire qui statuera de manière autonome. Sa décision liera les deux parties et si l’une ne la respecte pas, l’autre pourra décider de mesures de compensation proportionnelles.

La Suisse a réussi à faire reconnaître des exceptions existantes pour les transports terrestres comme l’interdiction de circuler la nuit ou la limite des 40 tonnes. La question des aides d’Etat proscrites par Bruxelles a été résolue. Sauf pour le transport aérien, l’accord institutionnel ne contient que des principes généraux.

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