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Pascale Kramer raconte «des personnages qui la bousculent»

Le Grand Prix suisse de la littérature 2017 a été décerné à Pascale Kramer pour l'ensemble de son oeuvre. AFP

Pascale Kramer, la romancière genevoise, installée à Paris, a reçu à Berne, ce jeudi 16 février, le Grand Prix suisse de littérature 2017. Dans ses livres, treize à ce jour, cette auteure de 55 ans raconte la destinée de gens simples aux espérances souvent brisées. La distinction qui récompense l’ensemble de son œuvre lui redonne de l’énergie à un moment de doutes, confie-t-elle. 

Si elle était peintre elle serait maniériste. Pascale Kramer propose, dans chacun de ses romans, un langage qui cerne, avec beaucoup de minutie, les moindres gestes, mouvements et soubresauts du cœur. Pour autant, sa plume n’épouse jamais des accents classiques ou pathétiques. L’Office fédéral de la culture (OFC), qui lui a décerné ce jeudi 16 février le Grand Prix suisse de littérature 2017, ne s’y est pas trompé, voyant en son écriture «précise et somptueuse (…) un chant ému, mais d’une grande lucidité sur une humanité de gens simples.» 

Les gens simples, Pascale Kramer ne cesse de les côtoyer dans ses livres. C’est vers eux que vont son attention et son affection. Ses personnages connaissent des destinées inaccomplies, des difficultés existentielles sur lesquelles se brisent souvent leurs espérances. Dit comme ça, on pourrait croire la romancière pessimiste. Mais non! Tout en elle est vigueur. «Parfois on me dit: choisis des sujets moins noirs! Alors je réponds: je ne trouve aucun intérêt à parler de situations ou de personnes qui ne soient pas complexes ou qui ne me bousculent pas», confie-t-elle. 

«Dès mes débuts de romancière, j’ai réalisé que je ne pourrais pas vivre uniquement de ma plume.»

Déconvenues et joies 

Mais attention, ses romans ne constituent nullement une thérapie pour elle. «Si j’y mets  beaucoup de moi-même, c’est parce que j’estime que l’on comprend mieux les autres en observant ce que l’on a soi-même vécu. J’ai eu des déconvenues dans mon existence, j’ai pas mal pleuré, mais je me suis toujours très vite relevée. Voyez-vous, ce Grand Prix par exemple tombe à point nommé. Il arrive à un moment de ma vie plein de doutes et me redonne ainsi l’énergie dont j’ai besoin aujourd’hui. Je croyais que j’allais être récompensée pour mon dernier roman «Autopsie d’un père», et voilà que c’est toute mon œuvre qui est ici louée.» 

De livre en livre, Pascale Kramer creuse le même sillon, mais chaque fois sous un angle différent: le désamour, la mort accidentelle d’enfants, la maladie, le travail… Autant de sujets à travers lesquels elle dit montrer «la lutte face à la vie avec les pauvres moyens dont dispose l’être humain».

Sept autres Prix suisses de littérature, 2017, sont attribués par l’OFC à: Laurence BoissierLien externe, Ernst BurrenLien externe, Annette Hug, Michel Layaz, Jens Nielsen, Philippe Rahmy, Dieter Zwicky.   

Quand sort son premier roman («Variations sur une même scène»), elle a 21 ans. «J’ai commencé ma vie active par l’écriture, c’est de là que tout est parti», se souvient-elle. Depuis, douze romans ont paru, plus un récit qui réunit des témoignages de vie réels, publié début février sous le titre «Chronique d’un lieu en partage».

«Mais dès mes débuts de romancière, j’ai réalisé que je ne pourrais pas vivre uniquement de ma plume, et qu’il me faillait des activités complémentaires.» La voilà donc engagée, à Zurich, par le célèbre publicitaire français Jacques Séguéla. De cette période-là, elle ne garde pas un vibrant souvenir. «Mon travail était très stressant, et puis je ne me plaisais pas vraiment à Zurich.» 

«Suractive» 

Femme libre, elle décide alors de s’installer à son compte comme publiciste, mais à Paris cette fois-ci. C’est là qu’elle réside depuis 30 ans, avec dans un coin de la tête sa Suisse natale, ce «pays où le pouvoir politique désacralisé se distingue heureusement d’une France encore monarchique». C’est à Paris aussi qu’elle a écrit tous ses livres inspirés parfois des événements politiques et sociaux français («Autopsie d’un père»), mais aussi d’un style de vie à l’américaine, comme c’est le cas dans «L’implacable brutalité du réveil» dont l’action se déroule en Californie. «A l’époque où ce roman fut publié (2009), je faisais de nombreux allers-retours entre Paris et Los Angeles, raconte-t-elle. Je travaillais alors comme agent pour des réalisateurs francophones. J’ai arrêté il y a six ans.» 

Elle est «suractive», Pascale Kramer. C’est en tout cas ce qu’elle dit à son médecin quand elle va le voir. Mais lui la corrige dans un rire: «Non, tu es plutôt névrosée». On ajoutera que la femme qu’elle est vit à fond plusieurs existences. Elle acquiesce: «C’est vrai, j’ai joué mon va-tout, souvent. J’ai beaucoup semé, et ce que j’ai semé ne poussait pas forcément à l’endroit où je m’y attendais, mais cela m’a réservé d’agréables surprises.»

Pascale Kramer 

Née le 15 décembre 1961 à Genève, elle grandit dès l’âge de trois ans à Lausanne.

Après l’obtention de son baccalauréat, elle suit des études de lettres à l’Université de Lausanne, qu’elle interrompt pour s’essayer au journalisme.

Après 6 ans de travail à Zurich comme publiciste, elle s’installe à Paris et y poursuit son métier, parallèlement à son activité de romancière. 

En 2011, elle abandonne la publicité et s’engage auprès d’ONG (Organisations non gouvernementales), comme rédactrice de journaux et de rapports.

Son dernier ouvrage, «Chronique d’un lieu en partage», paru début février, constitue «un pas de côté», selon sa formule. Ce n’est pas un roman mais un récit qui réunit des témoignages recueillis auprès de personnes fragilisées par la vie.

Parmi ses ouvrages, citons encore: «Les vivants», «Retour d’Uruguay», «L’adieu au nord », «Fracas», «Gloria». Elle est publiée chez Mercure de France et Flammarion, notamment. Elle est traduite en allemand, anglais et italien. Elle est lauréate de prestigieux prix littéraires suisses, dont le Prix Dentan et le Prix Schiller. 



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