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Rencontre avec un musicien de l’Orchestre des Nations Unies

Christian Lienhardt aime le violoncelle pour son timbre, sa tessiture et sa forme. Konstantin Kleine

Le jour, Christian Lienhardt est médecin et œuvre à l’élimination de la tuberculose dans le monde. La nuit, il joue du violoncelle dans l'Orchestre de l'ONU, formé de musiciens amateurs.

Quand l’épidémiologiste de l’Organisation Mondiale de la Santé, le Dr. Christian Lienhardt, se rend au Soudan, en Ethiopie, au Vietnam et dans d’autres lieux à haut risque de tuberculose, il ne prend pas son violoncelle. Mais dans sa chambre d’hôtel, après une longue journée de travail sur le terrain pour examiner des traitements prometteurs (ou non), il se branche sur son ordinateur portable pour écouter un air, tout en tournant les pages de la partition. C’est l’une de ses manières de garder la main pour les concerts de l’Orchestre des Nations Unies.

«Mon travail est assez lourd. Il exige beaucoup d’attention», raconte Christian Lienhardt, qui a grandi à Laon, en France, où il a étudié la musique dans son enfance. Il aime mener ses recherches à l’OMS, mais jouer de la musique le «plonge dans un espace libre où je quitte le travail».

L’épidémiologiste fait partie des quelque 70 musiciens bénévoles de l’Orchestre des Nations UniesLien externe qui a donné son premier concert en 2011. Ils travaillent à l’ONU, au CERN ou dans des ONG basées à Genève. 

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Défendre les valeurs

La mission de l’orchestre est de «défendre les valeurs de l’ONU à travers la musique», affirme la cofondatrice et présidente Martine Coppens. Et pour apporter «le message de la paix», ajoute le cofondateur Antoine Marguier, qui en est le chef d’orchestre et le directeur artistique. Il est également professeur de musique de chambre à la Haute École de Musique de Genève et a dirigé de nombreux orchestres de renom.

Martine Coppens relève que certains des membres de l’orchestre ont dû choisir entre une carrière de musicien et leur profession de base. Chrisitian Lienhardt, 61 ans, n’a pas été pris dans ce dilemme: «Je voulais être médecin dès mon plus jeune âge». Mais sa mère a aussi mis des instruments de musique dans les mains de ses 5 enfants dès leurs plus jeunes âges. «Elle rêvait d’avoir un petit orchestre. Elle m’a assigné le violoncelle à 10 ans», dit-il. Pour les autres, le piano, le violon, la trompette et la flûte.

Enfant, Christian Lienhardt étudie au Conservatoire de Colmar. L’engagement pour ses études musicales était naturel, dit-il, parce que son père était un prédicateur protestant et «la rigueur est l’un des principes d’une famille comme celle-là».

Médecine et musique

Il a également appris lui-même la guitare, pour jouer les chansons de Simon & Garfunkel, et de son favori, Leonard Cohen. Comme jeune médecin en Alsace, il forme un groupe qui joue du tango, remplaçant le violon traditionnel par le violoncelle. Christian Lienhardt aime le violoncelle pour son timbre, sa tessiture et sa forme: «Pour en jouer, vous embrassez l’instrument.»

Mais comme tous les instruments, il faut un engagement énorme pour en jouer professionnellement. Tout comme la médecine.

Comme jeune médecin spécialisé dans les maladies infectieuses et voyageant régulièrement en Afrique et au-delà, Christian Lienhardt a mis la musique de côté pendant 20 ans. Puis, en 2005, il s’installe à Paris avec sa femme et ses deux enfants. Et c’est là qu’il recommence à jouer sous la conduite d’un professeur privé.

En 2009, ils déménagent à Genève pour devenir à l’OMS chef d’équipe d’un projet mondial de recherche sur la tuberculose. Quelques années plus tard, en traversant le campus de l’OMS, il remarque des gens portant des instruments. C’est ainsi qu’il découvre l’Orchestre des Nations Unies. Il y passe une audition, avant de rejoindre l’orchestre formé de musiciens amateurs.

La passion

Antoine Marguier n’aime pas le mot «amateur» utilisé pour décrire les membres de son orchestre. Il dit qu’ils sont tous passionnés et très engagés: «Nous ressentons cette passion avec chaque candidat qui vient jouer avec nous. Ils se donnent à 200 %.» Il en attend beaucoup, y compris avec des répétitions hebdomadaires de trois heures, menées en français et en anglais, selon les besoins. Un musicien qui manque plus de deux répétitions pour le concert suivant peut se voir refuser d’y jouer. Et pourtant, «je n’ai jamais dirigé un orchestre aussi heureux», dit-il.

Pour les musiciens comme Christian Lienhardt, que leur travail emmène souvent à l’étranger, il n’est pas toujours facile de répéter, de pratiquer en privé quelques fois par semaine. Mais il dit que l’orchestre est toujours une priorité quand le travail le permet. S’il peut programmer sa prochaine réunion au Swaziland un mercredi pour participer à la répétition lundi soir en Suisse, il le fait.

L’orchestre était «exactement le genre de chose qui me manquait. C’est à la fois un plaisir et une discipline.» Et il peine à croire qu’il joue avec les meilleurs solistes du monde entier invités pour des concerts particuliers: «Je n’aurais jamais pu rêver d’une telle chose».

L’Orchestre des Nations Unies a été créé dans l’idée de concilier musique symphonique et humanitaire et d’élargir le public de la musique classique. Il donne 6 à 8 concerts par saison.

Il est composé de 70 musiciens non-professionnels qui travaillent aux Nations Unies et autres organisations internationales présentes à Genève.

Il a représenté la Genève Internationale lors de nombreux événements officiels, sommets et conférences, notamment pour le CERN, la CNUCED, le HCR ou l’UNICEF.

A ce jour, il a donné 30 concerts, dont 10 de charité, qui ont permis une levée de fonds totale de CHF 170’000.

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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