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En Grèce, des bibliothèques pour étancher la soif des réfugiés

Des romans d'Agatha Christie aux Mille et une nuits, les initiatives se multiplient en Grèce pour offrir de la lecture aux dizaines de milliers de réfugiés bloqués dans le pays. Eux lisent pour s'évader, apprendre ou s'ouvrir à leur nouvel environnement (image symbolique). KEYSTONE/AP/THANASSIS STAVRAKIS sda-ats

(Keystone-ATS) Des romans d’Agatha Christie aux Mille et une nuits, les initiatives se multiplient en Grèce pour offrir de la lecture aux dizaines de milliers de réfugiés bloqués dans le pays. Eux lisent pour s’évader, apprendre ou s’ouvrir à leur nouvel environnement.

Dans les rayons d’une bibliothèque ambulante qui sillonne la région d’Athènes, ce sont plus de 1000 ouvrages qui s’entassent. En anglais, grec, français, arabe, kurde et farsi, ils ont été offerts par des Grecs, envoyés de Belgique, d’Angleterre et du Liban ou achetés avec les dons des bénévoles sur internet.

Le véhicule effectue une tournée hebdomadaire dans les camps de réfugiés entourant Athènes ou les quartiers défavorisés de la ville, pour “rendre la culture accessible à tous”, explique Esther Ten Zijthoff, une Americano-néerlandaise de 25 ans, cofondatrice du projet.

Parmi les habitués, Ali, réfugié syrien de 26 ans, ne rate jamais le rendez-vous sur la place du marché central de la capitale. “J’aime beaucoup avoir de la lecture. Cela me fait du bien”, affirme-t-il à l’AFP, un livre d’Agatha Christie sous le bras.

“Les romans d’Agatha Christie sont très prisés, nous aimerions bien avoir toute sa collection. Le mystère et le romantisme de ses histoires plaisent beaucoup aux arabophones”, relève Mme Zijthoff.

Toujours dans le centre d’Athènes, une bibliothèque s’est elle sédentarisée dans les locaux d’une ONG internationale accueillant dans cinq immeubles des femmes et enfants syriens et afghans.

“Culture nouvelle”

Bloqués dans le pays par la fermeture des frontières européennes après le grand exode de 2015, ils sont dans l’attente soit d’un asile en Grèce, soit d’être relocalisés ou réunis avec leurs familles dans le reste de l’UE.

Le lieu, baptisé “We need books”, dispose “de la plus grande collection de livres en farsi de la capitale grecque” avec plus de 150 livres envoyés directement d’Afghanistan, selon Ioanna Nissiriou, une de ses cofondatrices.

Assise sur un pouf coloré, Zahra, une jeune Afghane de 16 ans, découvre dans sa langue l’Odyssée de Nikos Kazantzakis, un des papes de la littérature grecque. De quoi découvrir, et apprécier, “la vision grecque de la religion et du romantisme de ses dieux”, note-t-elle.

“J’aime ce livre parce que c’est une culture nouvelle. Mais celui que j’ai préféré, c’est le recueil des contes des Frères Grimm. C’est de la littérature très sérieuse et pourtant totalement féerique, ça ressemble aux contes que je lisais plus jeune”.

Nostalgie

Féerie mais aussi peut-être nostalgie: les contes des Mille et une nuits sont ici les plus demandés, relève Mme Nissiriou, une ex-journaliste de 38 ans.

“Nous en avons reçu un recueil, en farsi, en juin. Il était tout neuf et aujourd’hui je suis très heureuse de voir qu’il est déjà presque en morceaux”.

“Au départ, notre objectif était de permettre aux réfugiés de s’évader par la lecture. Mais aujourd’hui, nous cherchons à éduquer les enfants qui sont encore ici, à leur inculquer la notion de partage des cultures, dans le but d’intégrer ces nouveaux arrivants”, ajoute Ioanna Nissiriou.

Outre la fiction, les dictionnaires de langues sont également très demandés. Malgré les applications de traduction, “beaucoup de réfugiés préfèrent emprunter la version papier qu’ils photocopient généralement afin d’en garder un exemplaire sur eux”, selon Mme Ten Zijthoff.

Cours de langues

En plus de dictionnaires illustrés, “We Need Books”, accueille aussi des cours de langues, notamment arabe et français. Massoma, une fillette afghane de 10 ans, patiente entre les rayons de livres avant sa leçon de français dispensé par une volontaire afghane, elle-même réfugiée, Wahida Rahmat.

La petite annone sans faute son alphabet. “Massoma veut savoir manier la langue avant de rejoindre son père, qui l’attend à Paris. Elle est très studieuse”, raconte Mme Rahmat, qui enseignait la religion à Kaboul.

Tentant de combler le vide laissé par la rareté en Grèce des bibliothèques publiques, ces initiatives s’inscrivent parmi une pléthore de projets solidaires impulsés dans le pays par la crise économique et l’afflux des réfugiés.

Sur la place centrale d’Athènes, la bibliothèque ambulante se gare ainsi entre un camion de distribution de nourriture et un van où des machines à laver sont mises à disposition des plus démunis.

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