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Le doute gagne les Français de Suisse

Les Français de Suisse sont dans le flou. AFP

Les affaires qui entachent la campagne présidentielle française plongent les citoyens dans l’incertitude. Un phénomène qui touche aussi les Français de Suisse. A gauche comme à droite, le centriste Emmanuel Macron séduit. Trois Français établis en Suisse livrent leur regard sur la campagne la plus imprévisible de la Ve République. 

Des électeurs de gauche qui hésitent à soutenir le socialiste Benoît Hamon. Des électeurs de droite qui doutent du candidat des Républicains François Fillon, mis en examen dans l’affaire des emplois présumés fictifs impliquant sa famille. Difficile pour les Français, parfois désillusionnés, de choisir leur candidat.  

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Florian Baccaunaud, porte-parole de la Ligue pulmonaire       

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Quelques jours avant l’élection, Florian Baccaunaud n’a pas encore arrêté son choix. Pourtant, il est membre du parti Les Républicains et séduit par le volet économique du programme du candidat de la droite François Fillon. Mais l’affaire des emplois présumés fictifs a refroidi le Franco-Suisse de 27 ans, qui a grandi à Agen, dans le Lot-et-Garonne, et vit à Berne depuis 2015. 

«Il ne faut pas se laisser gagner par la désillusion» 

Il considère que l’affaire en elle-même n’est «pas d’une gravité extrême». Par contre, sa gestion le déçoit. «Les réactions de François Fillon et de son équipe montrent qu’il ne comprend pas les faits qui lui sont reprochés et renforcent la déconnexion entre les élites politiques et le peuple.»

Dans son entourage, Florian Baccaunaud constate la déception de certains électeurs, un sentiment qui les pousse à ne pas se rendre aux urnes. Lui est plutôt de ceux qui préfèrent s’engager; en Suisse, il est actif au sein du Parti libéral radical (PLR / droite). «Il ne faut pas se laisser gagner par la désillusion», dit-il, craignant que les extrêmes ne se trouvent renforcées si les électeurs tournent le dos à la politique.

Florian Baccaunaud est ainsi tenté par le «vote utile», c’est-à-dire glisser le nom d’Emmanuel Macron dans l’urne dans la perspective d’un second tour qui opposerait le candidat centriste à Marine Le Pen.

Pour lui, la France doit regagner la confiance des électeurs, notamment en leur donnant plus souvent voix au chapitre, «comme en Suisse». Il apprécie aussi le système suisse dit de milice, où les parlementaires ne sont pas des professionnels de la politique, estimant que les élus restent ainsi plus proches du peuple. 

Julien Tognazzi, informaticien 

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Julien Tognazzi a presque toujours voté socialiste, mais aujourd’hui il ne sait plus quel nom inscrire sur son bulletin. Le Français du Périgord vit et travaille à Berne depuis près de 10 ans. Déçu par le mandat présidentiel du président sortant François Hollande et peu convaincu par le candidat de la gauche Benoît Hamon, il hésite à miser sur le candidat centriste: «Je suis tenté de voter pour Emmanuel Macron, parce qu’il est celui qui a le plus de chances de battre Marine Le Pen au second tour mais aussi parce que j’aimerais voir un renouveau dans la classe politique française. Toutefois, c’est un peu donner à un inconnu les clés de la maison.»

«Voter pour Emmanuel Macron, c’est un peu donner à un inconnu les clés de la maison» 

Pour recréer le lien de confiance entre le peuple et ses représentants politiques, Julien Tognazzi estime que les élites doivent changer. «Les affaires révélées ces derniers mois donnent l’impression que les députés utilisent tous un peu l’argent public pour favoriser leur entourage», déplore-t-il. L’informaticien n’est toutefois pas convaincu que l’un des candidats soit en mesure de porter ce changement: «Emmanuel Macron a aussi beaucoup de soutiens qui émanent de l’ancienne garde. Je ne sais pas ce qu’il sera en mesure de faire.»

Renouvellement au sein de la classe politique mais aussi modification du système électoral: Julien Tognazzi estime que le modèle de l’Hexagone a atteint ses limites. «Je suis blasé de ces élections présidentielles tous les cinq ans, qui au final ne changent rien. François Hollande n’a pas amené le changement auquel je m’attendais après Nicolas Sarkozy.» Le modèle suisse, où plusieurs partis sont représentés au gouvernement, lui semble plus efficace. 

Marie Maurisse, correspondante en Suisse du quotidien Le Monde 

François Wavre

Marie Maurisse est déçue du déroulement de la campagne présidentielle. Grâce à des primaires ouvertes organisées pour la première fois à gauche comme à droite, la correspondante du quotidien «Le Monde» en Suisse espérait un débat de fond plus intéressant que d’habitude, «un affrontement clair entre deux visions différentes qui donnerait un véritable choix aux électeurs».

«Cette campagne ne permet pas aux Français de réfléchir à une vraie vision de ce que pourrait être la France»

Malheureusement, c’est l’inverse qui s’est produit. Le candidat de la droite François Fillon est décrédibilisé par les affaires révélées au cours de la campagne. A gauche, Benoît Hamon est contesté par une partie de son camp. «Cette campagne est partie dans tous les sens et ne permet pas aux Français de réfléchir à une vraie vision de ce que pourrait être la France», déplore la journaliste, qui vit et travaille en Suisse depuis 2008.

Résultat: la désillusion et le doute gagnent les citoyens, dont l’image de la classe politique est souvent délétère. «C’est dommage car des visages relativement nouveaux et jeunes, comme ceux d’Emmanuel Macron ou Benoît Hamon, auraient pu contribuer à redonner confiance en les représentants politiques», commente Marie Maurice.

La journaliste ne cède toutefois pas à la désillusion: «Ces affaires sont aussi une manière d’expurger les problèmes. Ce n’est pas malsain qu’elles sortent, que les politiques qui ont agi de manière illégale soient condamnés, afin de laisser la place à ceux qui agissent de manière légale.» Elle place ses espoirs dans le renouveau: «La jeune génération va arriver petit à petit au pouvoir, on attendait cela depuis longtemps.»

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