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Macron pourra-t-il rassembler? Les Suisses de France s’interrogent

Marine Le Pen est donnée perdante dans tous les sondages face à Emmanuel Macron au deuxième tour de la présidentielle française. Keystone

Les personnalités suisses installées en France ne doutent pas qu’Emmanuel Macron remportera le deuxième tour de la présidentielle. Actives dans la culture, les médias ou le monde académique, elles se montrent en revanche plus prudentes quant à sa capacité à rassembler lors des législatives.

Antoine Bozio, directeur de l’Institut des politiques publiques de Paris, estime que le pari d’Emmanuel Macron de réunir des gens de gauche, de droite et du centre n’est «pas aberrant». «Cela se fait dans de nombreux pays d’Europe. Et cela s’est vu en France avant la Ve République», explique l’économiste franco-suisse à l’ats.

«Par ailleurs, les alliances autour de thèmes spécifiques au-delà de la logique partisane traditionnelle sont monnaie courante dans la politique régionale ou locale. Mais aujourd’hui, il est difficile de dire si cela va fonctionner ou si le jeu des partis va prendre le dessus.»

Le test des législatives

A ses yeux, les débats sur les programmes qui n’ont pas eu lieu pendant la campagne pourraient intervenir à l’occasion des législatives. «Les enjeux seront beaucoup plus importants que pour les élections législatives précédentes, qui servaient surtout à entériner la victoire du président élu.»

«Les élections législatives nous diront si le phénomène Macron est vraiment le début d’une ère nouvelle ou si c’est juste une vitrine», confirme le journaliste Paul Ackermann, directeur de la rédaction du Huffington Post, installé en France depuis dix ans.

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«Va-t-il réussir à réunir une majorité ou à créer des alliances pour gouverner selon ses promesses?» Aujourd’hui, le journaliste n’y croit pas. A droite, plusieurs personnalités des Républicains ont déjà exclu un ralliement. Quant à la gauche, «la dimension de ‘vote utile’ ne devrait pas perdurer».

L’écrivain jurassien Bernard Comment, installé en France depuis 27 ans, doute lui aussi de la capacité d’Emmanuel Macron à mener à bien son projet de reconstruction du champ politique avec des personnalités nouvelles.

«Je ne sais pas s’il peut y arriver. Mais il a inventé quelque chose de nouveau. Sa victoire laisse la possibilité d’une entente nationale pour mener à bien des réformes, au-delà de l’affrontement idéologique gauche-droite», affirme-t-il.

Le défi du chômage

«La question du chômage a plombé le quinquennat de François Hollande. Le gouvernement sera obligé d’être efficace sur cette question s’il veut éviter la débandade» Paul Ackermann, Huffington Post

Sur le fond, le principal défi de la prochaine présidence se situe dans la sphère économique, selon Paul Ackermann. «La question du chômage a plombé le quinquennat de François Hollande. Le gouvernement sera obligé d’être efficace sur cette question s’il veut éviter la débandade».

«Pour Emmanuel Macron, ou pour un gouvernement de droite en cas de cohabitation, cela passera par une Loi Travail plus poussée que celle de François Hollande, une réforme qui devra se faire face à une rue survoltée.»

L’autre défi concerne «l’unité du peuple français», poursuit le journaliste. «On a dit au lendemain des élections américaines que le pays était coupé en deux, et que la situation était grave. Aujourd’hui, la France est coupée en quatre. On assiste à une fracture géographique, autour de la laïcité, des questions économiques. Quel est l’avenir de la France dans ce contexte? Comment réunifier le pays?»

Une «chance pour l’Europe»

Sur la question européenne, autre enjeu de taille, Bernard Comment estime qu’une victoire d’Emmanuel Macron, une «page nouvelle» pour la France, sera peut-être une «grande chance» pour l’Union européenne.

«Le discours européen ne convainc plus et se heurte au ressenti de la population. Il faut cesser d’appliquer les mêmes recettes pour aller vers un modèle qui représente davantage les citoyens. Or Emmanuel Macron a un esprit réellement démocratique», estime l’écrivain.

Quant à la politique culturelle de la prochaine présidence, celui qui dirige la collection «Fiction & Cie» des éditions du Seuil souhaite qu’elle ne se limite pas à la «reconduction de subventions qui souvent n’ont plus de sens. Le grand enjeu pour la France est de réussir à redonner un sens à ses politiques publiques, à les réinventer.»

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