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Khashoggi: Berne demande à Ryad des procès équitables des suspects

La fiancée de Jamal Khashoggi a estimé devant les correspondants accrédités à l'ONU à Genève (ACANU) que la Suisse doit contribuer aux pressions sur Ryad après le meurtre du journaliste saoudien. KEYSTONE/MAGALI GIRARDIN sda-ats

(Keystone-ATS) La fiancée du journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi appelle la Suisse à prendre des “sanctions” contre Ryad. Après cette demande mercredi à Genève, Berne a exhorté l’Arabie saoudite à garantir des procès équitables aux suspects poursuivis pour ce meurtre.

“La Suisse pourrait jouer un rôle en exerçant des sanctions contre l’Arabie saoudite” pour atteindre des “résultats” dans les appels à Ryad à rendre des comptes, a estimé la fiancée de M. Khashoggi, une Turque trentenaire, devant les correspondants accrédités à l’ONU à Genève. Une demande qu’elle a ensuite élargie à tous les Etats, comme l’a recommandé la rapporteuse spéciale de l’ONU contre les exécutions extrajudiciaires Agnès Callamard après ses investigations.

Devant le Conseil des droits de l’homme, l’experte indépendante qui ne s’exprime pas au nom des Nations Unies, a dit mercredi avoir lancé celles-ci en raison de la “paralysie” de l’ONU. La Suisse pourrait oeuvrer avec l’ONU pour accentuer les efforts même si elle “n’a aucun lien” avec cette affaire, estime de son côté la fiancée du journaliste assassiné en octobre dernier au consulat saoudien d’Istanbul. La jeune Turque n’a rencontré aucun représentant des autorités suisses.

Difficile pour la Suisse

Berne “est dans une position particulière sur ce dossier, en raison du mandat de puissance protectrice qu’elle assure pour l’Arabie saoudite et l’Iran”, avait expliqué il y a quelques jours à Keystone-ATS l’ambassadeur suisse auprès de l’ONU à Genève Valentin Zellweger. Il a toutefois appelé mercredi au Conseil l’Arabie saoudite à honorer “les garanties de procès équitables” à l’égard de la dizaine de suspects jugés actuellement.

Avant cette discussion, quarante ONG avaient dévoilé dans la matinée une lettre au conseiller fédéral Ignazio Cassis et 47 autres chefs de la diplomatie pour demander un mécanisme de suivi des droits de l’homme en Arabie saoudite. Dans ce courrier daté du 4 juin, les ONG, dont l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) établie à Genève, ciblaient des violations des standards internationaux dans ces procès contre les suspects de l’affaire Khashoggi.

Ces derniers mois, Mme Callamard et la Haute commissaire aux droits de l’homme Michelle Bachelet avait appelé Ryad à suspendre ces audiences. Dans son rapport, la première, qui explique que le meurtre était “prémédité” par Ryad et met en cause le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (“MBS”) et un de ses conseillers, demande au secrétaire général de l’ONU de lancer des investigations internationales.

Mais Antonio Guterres estime ne pas avoir l’autorité pour le faire sans l’intervention d’un pays membre. Devant la presse mercredi après la discussion au Conseil, Mme Callamard s’est dite “déçue” et persiste sur ce scénario. La fiancée a elle appelé, devant l’instance onusienne, le secrétaire général à demander aux Etats de soutenir une investigation pénale onusienne. “Je veux savoir qui a donné l’ordre de tuer Jamal. Je veux savoir où est son corps”, a-t-elle affirmé.

Auparavant, devant les correspondants accrédités, elle avait considéré que les Etats-Unis, où habitait Jamal Khashoggi, devraient oeuvrer pour de telles investigations. L’UE a également un rôle à apporter, estime-t-elle.

Pas de menaces lancées par Ryad

Mais aucun Etat n’a pour le moment manifesté le moindre signe de vouloir activer le secrétaire général. Ni de vouloir un instrument permanent à l’ONU pour des investigations criminelles alors que “tout serait plus facile” avec ce format, selon Mme Callamard. “Je ne suis pas encore pessimiste”, a-t-elle insisté devant la presse.

Rejetant à nouveau un rapport établi selon elle sur des données “pas crédibles”, ce que récuse Mme Callamard, Ryad a dénoncé une “position partiale”. Elle a annoncé qu’elle s’opposerait à toute tentative de contourner la justice saoudienne.

Très émue mercredi, la fiancée de M. Khashoggi a de son côté dit ne pas avoir reçu de menaces, ni d’offre de compensation de l’Arabe saoudite. La rapporteuse spéciale n’a elle pas reçu d’autre intimidation que le scénario de poursuites judiciaires.

Outre l’affaire Khashoggi, M. Zellweger a demandé mercredi à l’Arabie saoudite de relâcher tous les détenus arrêtés pour avoir exercé leurs libertés fondamentales. En mars, la Suisse ne s’était pas associée à la déclaration conjointe de plus de 35 Etats qui demandaient au Conseil des droits de l’homme la relaxe de défenseuses des droits de l’homme et la collaboration saoudienne aux investigations de Mme Callamard.

La situation de ces femmes est aussi mentionnée par les ONG qui ont contacté M. Cassis. Outre une résolution du Conseil pour un mécanisme de surveillance, elles appellent à la libération de ces personnes. La Suisse ne pourrait voter une éventuelle action de l’instance onusienne étant donné qu’elle n’en est plus membre.

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