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Pierre Krähenbühl: «Je n’ai jamais vu des attaques d’une telle violence»

Krahebbuhl et Cassis
Le commissaire général Pierre Krähenbühl et le conseiller fédéral suisse Ignazio Cassis, de gauche à droite, lors d'une conférence de presse tenue le 14 mai 2018 à l'occasion de la visite de trois jours effectuée par le ministre suisse en Jordanie. © Ti-press

Mis en cause par une enquête interne pour abus de pouvoir, le Suisse Pierre Krähenbühl, commissaire général de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), a démissionné mercredi avec effet immédiat. Il s'en est expliqué sur le plateau de la télévision publique suisse (RTS).

Rappelant le «contexte hyper politisé» qui entoure l’UNRWA, Pierre Krähenbühl s’est exprimé au  JT de la RTSLien externe, la voix chargée d’émotion: «Je n’ai jamais vu des attaques d’une telle violence en 28 ans de carrière humanitaire. J’ai notamment été violemment attaqué par le représentant des États-Unis le 22 mai dernier lors d’un briefing au Conseil de sécurité des Nations unies. Je démissionne pour amener plus de sérénité à l’UNRWA.»

Cet ancien cadre du CICR a rejeté toutes les accusations portées contre lui. Le désormais ancien Commissaire général de l’UNRWALien externe a notamment affirmé que «l’enquête toujours en cours n’a mis à jour aucun cas de corruption, de fraude ou de mauvaise gestion. Et l’allégation de favoritisme envers une collaboratrice ou de liaison avec cette collaboratrice a été jugée comme non existante par le rapport interne.»

Contenu externe

Plus tôt dans la journée de mercredi, l’ONU avait annoncé que le secrétaire général (Antonio Guterres) avait reçu un rapport d’enquête du Bureau des services de contrôle interne (BSCILien externe) de l’ONU concernant des allégations contre Pierre Krähenbühl: «Les conclusions préliminaires de ce rapport du BSCI excluent la fraude ou le détournement de fonds opérationnels par le Commissaire général. Il y a toutefois des problèmes de gestion qui doivent être réglés.» Cela avant d’annoncer la mise en congé administratif du Suisse, «en attendant que ces questions soient clarifiées» et son remplacement ad interim par le Britannique Christian Saunders qui a démarré sa longue carrière à l’ONU en 1989 à Gaza au service de l’UNRWA.

Contributions suisses toujours suspendues

De son côté, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE)  a déclaréLien externe prendre acte de cette démission. Dans l’attente des résultats de l’enquête du BSCI attendus fin novembre, la Suisse maintient la suspension de ses contributions aux projets de l’UNRWA : «Le DFAE soutient les réformes de l’UNRWA, qui devraient conduire à une bonne gouvernance de l’organisation d’aide et à une utilisation efficace des fonds. L’UNRWA est un acteur clé de la stabilité et de la sécurité au Moyen-Orient. Cela contribue à améliorer les perspectives des réfugiés palestiniens.

Lors d’un voyage en Jordanie l’an dernier, le chef du DFAE s’était interrogé à voix haute sur l’utilité de l’agence onusienne, estimant qu’elle faisait partie du problème plutôt que de sa solution. Ignazio Cassis avait également laissé entendre que Berne pourrait aider davantage les institutions des Etats qui accueillent des réfugiés palestiniens plutôt que l’UNRWA. Des propos que le collège gouvernemental avait tenu à rectifier au retour de leur collègue en Suisse.

Interrogé sur cette affaire par la RTS, Pierre Krähenbühl a lâché: « Les propos tenus par le Tessinois n’entreront pas dans les livres d’or de l’histoire du Moyen-Orient.» Cela avant d’interpeller le ministre suisse:  «Si les 280’000 élèves de Gaza sont privés d’école suite à la dissolution de l’UNRWA, où vont-ils être scolarisés? Dans les écoles du Hamas. Est-ce que c’est ça que Monsieur Cassis veut?»

Un mandat à renouveler

Ce n’est en tout cas pas le vœu de l’ONU. «Le secrétaire général (Antonio Guterres) réaffirme son soutien à l’UNRWA pour son excellent travail, essentiel pour le bien-être des réfugiés palestiniens. Il est vital en ce moment que les Etats membres et les autres partenaires restent impliqués dans l’UNRWA et dans les services qu’elle fournit», a précisé le porte-parole de l’ONU Stéphane Dujarric.

Le moment est en effet critique. L’Assemblée générale de l’ONU doit prochainement renouveler pour trois ans le mandat de l’UNRWA, malgré la vive opposition des États-Unis et d’Israël.

A la demande du Parlement suisse, le Conseil fédéral présentera, lui,  son propre rapport sur «la coopération, l’efficacité et la transparence» de l’UNRWA.

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