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«Comme des paysages façonnés par le temps»

Les années s'écrivent sur les visages. Katja Snozzi

La photographe tessinoise Katja Snozzi fait sensation avec son nouveau projet: elle a photographié cent Suisses âgés de 100 ans et plus. Le résultat est un livre de photos fascinant. Une sélection de ces portraits est aussi exposée au Musée Vincenzo Vela au Tessin.   

Fascinants et en même temps inquiétants. C’est ainsi que l’on peut qualifier les visages et souvent aussi les mains de personnes qui ont vécu 100 ans ou plus. Beaucoup sont ridés, d’autres ont la peau étonnamment lisse. Parfois pensifs, parfois rieurs ou encore à moitié éthérés.

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Qu’ont vécu toutes ces personnes pendant un siècle? On ne peut qu’essayer de le deviner à partir de leurs expressions faciales, de leurs mimiques et de leur attitude. Les légendes des photos ne donnent que leurs noms et les adresses de chacun des modèles. Les trois quarts sont des femmes, ce qui n’est pas étonnant, puisqu’elles ont une espérance de vie plus longue que les hommes. 

Katja Snozzi est née en 1947 à Locarno. Elle a grandi entre le Kenya, la Suisse alémanique et le Tessin. Après avoir obtenu son diplôme de photographe à l’école d’art de Zurich, elle a emménagé à Berne, où elle a vécu jusqu’en 2000. Depuis, elle vit à nouveau au Tessin à Verscio, qui appartient à la commune de Terre di Pedemonte. Elle a commencé à travailler comme photographe indépendante en 1974, réalisant des reportages en zone de conflits ou dans des régions touchées pas des catastrophes naturelles. Elle a photographié de nombreuses personnalités du domaine de la politique, de la religion ou de la culture, dont Fidel Castro, le Dalai Lama et Max Frisch. Dans les années 1990, elle a reçu des mandats d’organisations humanitaires du monde entier. zVg

La photographe Katja Snozzi a commencé son projet sur les centenaires en 2014. L’idée lui est venue en réalisant une série de portraits de personnes de tous âges dans sa commune tessinoise Terre di Pedemonte. «J’ai remarqué que plus la personne était âgée, plus les visages me plaisaient», a-t-elle expliqué à swissinfo.ch. 

Les statistiques montrent que 1504 personnes de 100 ans et plus vivaient en Suisse en 2014. Pour entrer en contact avec eux, la photographe a contacté des établissements médico-sociaux de tout le pays. Elle leur a présenté son projet pour savoir si les centenaires avaient le temps et l’envie d’être photographiés. 

Naturel et sans flash 

«Ce sont les gens eux-mêmes ou leurs proches qui ont alors pris contact avec moi», raconte Katja Snozzi. Dans certains cas, elle a elle-même pris contact avec les modèles, par exemple lorsque l’anniversaire d’un centenaire était signalé dans le journal. 

Durant la séance photo, la photographe a pris entre trois et dix photos de chaque personne. Elle a utilisé la lumière naturelle, sans avoir recours au flash. Katja Snozzi a souvent pris la photo avant que la personne ne soit assise devant elle ou avant qu’elle n’ait commencé à parler. Elle souhaitait éviter les mises en scène pour ne pas obtenir des photos de passeport. 

Le résultat est impressionnant. «Nous contemplons admiratifs ces visages, comme des paysages façonnés par le temps», écrit l’ancienne ministre suisse Ruth Dreifuss dans la préface du livre, qui regroupe les photographies en noir et blanc. 

Une sélection de ces photos, presque 30, peut être découverte au Musée Vincenzo Vela à Ligornetto (Tessin). Pour la directrice du musée Gianna A. Mina, ces portraits prouvent «que les centenaires ont aussi préservé leur joie de vivre et leur indépendance comme leur intérêt à l’actualité.»

L’exposition: «La nourrice de Rita Hayworth», portraits photos de Katja Snozzi, Museo Vincenzo Vela, 6853 Ligornetto (Suisse) – jusqu’au 5 mars 2017.

Livre photo: Katja Snozzi: Les centenaires, Editions Scheideger & Spiess, Zurich 2016, 152 pages

Contrepoint esthétique 

La directrice du musée a également expliqué le titre énigmatique de l’exposition: «La nourrice de Rita Hayworth». Il fait référence à l’unique, parfois bizarre ou encore incroyable expérience de vie de certains centenaires, comme celle d’Elisa, qui a été la nourrisse de Rebecca, la fille de Rita Hayworth et Orson Welles. 

Qu’on le veuille ou non, l’exposition a aussi un caractère politique. Il n’y jamais eu autant de centenaires en Suisse. On parle beaucoup du vieillissement de la population, avant tout comme un poids. On évoque la charge financière pour les caisses de l’Etat, le fardeau des soins pour la famille ou la charge médicale pour le système de santé. 

L’exposition montre le côté humain de la vieillesse et du vieillissement. Elle prend le contrepoint des standards de la beauté qui reposent sur des modèles jeunes et impeccables. Katja Snozzi montre que certaines facettes de l’âge sont aussi fascinantes: la beauté, la joie, la sagesse, l’amertume, la douleur et le désespoir.

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